La filière bio : une hausse durable ?

Alors que l’alimentation bio progresse de façon régulière depuis plusieurs années les quelques semaines de confinement ont vu une accélération du phénomène. Toutefois, les effets de la crise sur le pouvoir d’achat et donc sur la consommation ne sont pas encore réellement perceptibles du fait du soutien de l’économie par l’État. On peut légitimement s’interroger sur le risque de retournement.

Une filière bio toujours dynamique avant crise

Les chiffres 2019 ne sont pas encore publiés, mais les ventes de produits alimentaires bio ont dû réitérer la Performance de 2018 (+ 15 %). Ce phénomène n'est certes pas nouveau mais il s'accélère finissant par convaincre la plupart des marques à la recherche d'offres pouvant bénéficier d'un marché en croissance dans un univers alimentaire atone. Le bio qui représentait à peine 3,5 % des ventes il y a peu dépasse désormais 5 % des achats alimentaires. Au sein de l'UE, cette progression est surtout marquée en France et en Allemagne

Certes les ventes sont encore surreprésentées sur les œufs et le lait liquide en raison du différentiel de prix comparé au conventionnel favorisant l'arbitrage des consommateurs mais le phénomène s'étend à l'ensemble de l'alimentation. Ainsi, alors que les PME sont traditionnellement bien plus présentes sur le segment bio, désormais les groupes leaders du secteur lancent un grand nombre de produits pour répondre à la demande y compris en surgelé, pourtant longtemps délaissé.

Les États Généraux ont beaucoup mis en avant le bio, l'un des objectifs étant d'améliorer la qualité de l'alimentation. À titre d'illustration, au 1er janvier 2022, la restauration collective pour les missions de service public devra compter 20 % de produits bio. Au-delà de la qualité, le bio représente une opportunité pour les exploitants agricoles qui peuvent espérer une amélioration de leurs revenus malgré une diminution des volumes produits qu'implique le respect des cahiers des charges. Ainsi 7,5 % des surfaces agricoles utiles sont bio en France et ce chiffre est en progression régulière du fait de la conversion qui convainc chaque année de nouveaux exploitants agricoles. Par ailleurs, bio et local sont étroitement liés dans l'esprit du consommateur : près de 70 % des approvisionnements sont d'origine France. À l'heure où l'idée de relocalisation de certaines productions est souvent mise en avant, le bio prend tout son sens.

La période du confinement a accéléré la recherche pour des produits bio

Bénéficiant d'un contexte favorable depuis plusieurs années, le bio a connu une forte hausse de ses ventes dès le début du confinement. Aussi, le bio traditionnellement peu présent dans la RHF a bénéficié de ventes en GMS jusqu'à 20 points supérieurs aux produits conventionnels sans oublier la progression des ventes dans les magasins spécialisés. Dans cette période durant laquelle le consommateur a besoin d'être rassuré sur la provenance et la qualité des productions, le bio est naturellement favorisé et a conquis 8 % de nouveaux acheteurs. Cependant, il ne faut pas négliger un effet mécanique, bien que difficilement quantifiable, lié au fait que certains rayons, au début du confinement, étaient en rupture temporaire induisant un transfert d'achats.

Mais sa progression est-elle soutenable ?

Le panier moyen en bio, selon les études, est 30 à 75 % plus cher. Outre des coûts de production plus élevés, il apparaît que les distributeurs réalisent des marges plus importantes. Or, les conséquences de la crise du Covid sur le plan économique restent encore, pour un grand nombre de consommateurs, à l'état de craintes ou de perspectives négatives. Bien que l'épargne des Français a fortement augmenté pendant la période (même si de façon évidente, elle ne concerne pas toutes les catégories de population et pas celles les plus en risque économiquement), il semble assez évident que la problématique du pouvoir d'achat sera prégnante dans les prochains mois. Il faut aussi rappeler que le conventionnel, avant crise, représentait 2/3 des achats alimentaires. Les enseignes de grandes surfaces l'ont bien compris puisque certaines communiquent d'ores et déjà sur le thème de la défense du pouvoir d'achat.

Il est donc probable que le bio continue de développer ses ventes mais en limitant l'élargissement de sa base de consommateurs réguliers d'une part et en augmentant ses parts de marché chez les CSP+ d'autre part. La recherche de segmentation via des labels bio+ mettant en avant d'autres promesses comme le bien-être animal va dans ce sens (l'assurance d'une démarche éco-responsable aussi bien que remise en cause tout récemment par le besoin d'assurance sous forme de produits emballés). Nous pourrions peut- être assister à une séparation encore plus nette des modalités d'achats selon les populations.

Article extrait du magazine PRISME: l'analyse de la conjoncture et de l'actualité agricole et agroalimentaire - juin 2020