Le pesticide métam-sodium en sursis après des intoxications dans l'Ouest

Pesticide utilisé notamment par les producteurs de mâche, le métam-sodium est pointé du doigt à la suite d'intoxications. La Loire-Atlantique examine mardi une éventuelle suspension de son autorisation, déjà décidée dans le département voisin du Maine-et-Loire.

La préfète de Loire-Atlantique Nicole Klein a convoqué une réunion des services de l'État concernés au cours de laquelle "sera effectivement évoquée la prise ou non d'un arrêté de suspension temporaire de l'usage de ce produit", a indiqué à l'AFP une porte-parole. Des cas d'intoxications avaient été relevés en octobre dans la région d'Angers, conduisant la préfecture du Maine-et-Loire à suspendre l'autorisation du métam-sodium jusqu'au 26 octobre. L'arrêté soulignait des manquements supposés à la réglementation, "associés à des conditions climatiques exceptionnelles rendant les sols trop secs et trop chauds pour son application sans risques".

"Les gens ont ressenti une gêne, un picotement aux yeux, des problèmes respiratoires", se souvient Katrin Brecheteau, cogérante de la serre de Kastell, une pépinière de Brain-sur-l'Authion (Maine-et-Loire), dont les sept salariés ont été intoxiqués le 9 octobre. Ce jour-là, au total 61 personnes - des ouvriers agricoles pour la plupart - avaient été exposées à un produit phytosanitaire provoquant des irritations et le même scénario s'était reproduit trois jours plus tard à Mazé-Milon, une autre commune de la région d'Angers. Dominique Visonneau, président de la coopérative Océane, qui rassemble une quarantaine de producteurs autour de Nantes, s'inquiète "des conséquences" d'une telle suspension en Loire-Atlantique. La région nantaise représente "90% de la production française" de mâche, soit 32.000 tonnes par an, souligne-t-il. 

Il craint aussi pour l'image de ces feuilles de salades tendres, cultivées toute l'année, et se veut rassurant. Le métam-sodium "n'est pas un traitement sur la mâche, c'est un traitement du sol", explique-t-il. Il s'agit en effet de nettoyer le sol, au maximum une fois par an, en septembre-octobre, avant de cultiver. La mâche a la particularité d'être semée directement et non plantée, ce qui rend le désherbage très difficile une fois qu'elle pousse. Une autre technique consiste à stériliser le sol à la vapeur, mais elle requiert "entre 2.500 et 3.000 litres de fioul à l'hectare", indique M. Visonneau, signalant l'augmentation du prix de ce combustible.

Plus dangereux que le glyphosate ?

Près d'Angers, Katrin Brecheteau assure que "c'est la première fois que cela arrivait". Si deux de ses salariés ont été conduits au CHU -- 17 personnes avaient été hospitalisées le 9 octobre-- tous étaient de retour au travail le lendemain. Les maraîchers du Maine-et-Loire sont tenus de respecter l'arrêté préfectoral du 20 janvier 2017, qui réclame d'enfouir le métam-sodium dans le sol plutôt que de le pulvériser. Des contraintes liées à la formation des personnels et à la météo (absence de vents forts et de précipitations) s'appliquent également.

"Les conditions pour appliquer le métam-sodium sont nettement plus sévères, donc je considère que le métam-sodium est plus dangereux que le glyphosate", commente pour sa part Yves Lepage, président de l'association Sauvegarde de l'Anjou, affilié à la fédération France Nature Environnement. "Comme il a été mal appliqué, on a vu qu'il y avait des problèmes immédiats sur les personnes, le glyphosate, lui, peut donner quelques problèmes immédiats, mais c'est surtout par accumulation qu'un jour ou l'autre, se déclenche un cancer ou autre chose", poursuit M. Lepage. Son association a porté plainte contre X auprès du tribunal d'Angers pour demander l'identification des personnes responsables du mauvais épandage.

Le métam-sodium est "interdit dans d'autres pays de l'Union européenne", insiste-t-il, estimant que la France devrait faire de même. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a pour sa part annoncé la semaine dernière le réexamen de l'autorisation des pesticides à base de métam-sodium. "Les résultats des investigations menées sur les événements récents seront pris en compte", a-t-elle affirmé, indiquant que la substance était autorisée au niveau européen jusqu'en 2022. Le parquet d'Angers a ouvert une enquête préliminaire. "La totalité des personnes victimes de cette légère intoxication ont été auditionnées", a assuré le procureur Yves Gambert.