Gaëtan, en BTS : « Si je ne deviens pas agriculteur, j'aurai raté ma vie »

Dans sa tête, Gaëtan Cahuzac est agriculteur depuis ses trois ans, quand il marchait dans les bottes de son grand-père à travers les champs et les vignes d’Alzonne. Mais l’exploitation familiale n’est plus. Et fait du futur JA un hors-cadre, dans tous les sens du terme. « Cabourd », dit-on dans l’Aude.

« Urgent. Cherche 5-10 ha de terres irrigables autour d’Alzonne (Aude) pour m’installer sur un projet de plantes porte-graines bio. Question de vie ou de mort ». Telle est l’annonce que Gaëtan Cahuzac pourrait poster sur les réseaux sociaux. Il ne l’a pas publiée, préférant s’en remettre à la voie classique, consistant à pousser la porte de la Safer. « Passe ton bac d’abord », s'est-il vu répondre.

Il faut dire que Gaëtan n’avait pas 17 ans quand il a enclenché son parcours à l’installation. Il était alors en terminale au lycée agricole de Pamiers (Ariège), en section conduite et gestion d’exploitation. « Expliquer au prof que vous avez la Chambre ou la Safer au téléphone et que vous devez obligatoirement répondre, c’est pas évident, rigole-t-il. Le Covid a ensuite chamboulé tous mes plans. Et puis un de mes profs m’a inscrit à Parcoursup ».

Gaëtan fait ses armes au sein de l’EARL Joli Cœur dans le cadre d’un BTS en apprentissage
Gaëtan fait ses armes au sein de l’EARL Joli Cœur dans le cadre d’un BTS en apprentissage

Des porte-graines pour une future jeune pousse

Gaëtan vient d’entamer sa seconde année de BTS qu’il réalise en contrat d’apprentissage au sein d’une exploitation agricole de grandes cultures basée à La Force (Aude). L’EARL Joli Cœur est par ailleurs fortement investie dans la production de porte-graines. Cette orientation, tout comme le parcours de son patron, forcent l’admiration de l’apprenti. « Mon patron, il est parti de rien et c’est grâce à la semence qu’il y est arrivé, en devenant une référence dans le milieu et dans notre secteur. Alors quand je dis que je bosse chez Daniel Pujol... ».

« Pourquoi tu te lances dans l’agricole, c’est compliqué, tu ferais mieux de faire ingénieur : ça c’est le discours de mes parents »
« Pourquoi tu te lances dans l’agricole, c’est compliqué, tu ferais mieux de faire ingénieur : ça c’est le discours de mes parents »

Le modèle est tout trouvé. Il n’y a plus qu’à trouver les terres et à décrocher un contrat auprès d’AsteraSeed, multiplicateur de semences potagères implanté dans le département. Avec l’EARL Joli Cœur accrochée à son CV et deux années de pratique à son actif, le futur installé escompte bien convaincre l’entreprise semencière de lui confier ses premiers contrats. « Pour me donner plus de chances, je compte cultiver les mêmes espèces en production maraichère ».

Le futur installé espère décrocher des contrats en porte-graines avec le multiplicateur AsteraSeed, basé dans l’Aude
Le futur installé espère décrocher des contrats en porte-graines avec le multiplicateur AsteraSeed, basé dans l’Aude
"Pourquoi tu te lances dans l’agricole, c’est compliqué, tu ferais mieux de faire ingénieur"

Manquent les terres. Gaëtan ne pourra pas compter sur celles de son grand-père car son propre père n’a pas pris la suite. « Pourquoi tu te lances dans l’agricole, c’est compliqué, tu ferais mieux de faire ingénieur : ça c’est le discours de mes parents », relate Gaëtan. Totalement contre-productif. « Moi je suis dans les champs et dans les vignes depuis l’âge de trois ans, j’ai besoin d’être au contact de la terre ». Certes, mais c’est possible sans nécessairement être exploitant ? « S’il le faut, je serai conseiller ou salarié pendant quelques années mais je veux avoir mon truc à moi, faire mes choix et les assumer. Depuis toujours je veux m’installer. Si je ne deviens pas agriculteur, j'aurai raté ma vie ».

"Dans le coin, des jeunes aussi cabourds que moi pour s’installer, y en a plein, je peux vous en trouver. Y a pas mal de cabourdes aussi "

A compter de ce mois de septembre, Gaëtan va réamorcer son parcours à l’installation, qu’il n’imagine pas hors du cadre officiel. « Partir de zéro comme ça, je ne me verrai jamais partir sans les aides et en dehors de l’accompagnement de la Chambre et de la Safer. Je ne suis pas totalement cabourd, non plus ». Comprendre « fou » en occitan. Le futur installé mise aussi sur le bouche-à-oreilles pour dénicher les hectares salvateurs.

« On se bat tous pour produire, pour nourrir la population et on ne nous le rend pas si bien que ça au final en France »
« On se bat tous pour produire, pour nourrir la population et on ne nous le rend pas si bien que ça au final en France »

Le « mur démographique » évoqué par Emmanuel Macron le 9 septembre dernier à Terres de Jim devrait naturellement libérer de l’espace. De quoi aiguiser les appétits aussi. « Ceux qui se font la guerre en agricole, c’est qu’ils n’ont rien compris aux valeurs et aux principes du métier, professe le futur installé. On a besoin des uns des autres, c’est assez compliqué comme ça. On se bat tous pour produire, pour nourrir la population et on ne nous le rend pas si bien que ça au final en France ». Comment dit-on « lucide » en occitan ?

Oui mais voilà, quand on a la passion chevillée au corps. « Dans le coin, des jeunes aussi cabourds que moi pour s’installer, y en a plein, je peux vous en trouver. Y a pas mal de cabourdes aussi ». Vive la « cabourdie ».