Gel : attendre... et croiser les doigts

Sur les terrasses de Massiac comme au Fel, on n’a pas allumé de cierges pour sauver vendange et récoltes, mais on redoutait lundi encore des coups de gel fatals.

Après le week-end hivernal de ces premiers jours d’avril, le plus dur n’était peut-être pas passé pour le vignoble massiacois. Le ciel clair de la nuit de lundi à mardi pouvait s’avérer bien plus redoutable en baisse de température que la neige des jours précédents. Gilles Monier le craignait pour sa vigne. “Nous constaterons l’ampleur des dégâts seulement dans quelques jours avec le retour de la douceur et si les bourgeons s’ouvrent ou non, avouait le vigneron de Massiac. Ça peut encore bouger si nous descendons en dessous de - 5 degrés. Je ne suis pas équipé pour lutter contre le froid, donc je suis contraint de subir.” La situation est désormais préoccupante dans le petit bassin de l’Est cantalien avec des gelées fatales une année sur deux quasiment depuis 2017, année catastrophique.
Pour Chloé Chassang, qui vient de planter un peu plus d’un hectare de vigne en 2020, les dégâts semblent très limités sur sa jeune vigne à la sortie du village de La Roche de Molompize. L’an dernier, le gel lui avait fait perdre le bénéfice d’une année de croissance. La récolte des premiers raisins n’aura pas lieu avant trois ans.
Pour son verger, Florian Itier présentait une situation bien différente de l’an passé qui avait emporté une bonne partie de sa production. En 2021, la période de gel était arrivée plus tard vers le 9 avril et la floraison était en avance. “Là nous avons du retard avec des bougeons encore fermés, expliquait lundi le producteur de Massiac. Les dégâts devraient être limités si nous en restons là.” Les températures sont descendues jusqu’à - 4 degrés et le pommier peut encore résister à un degré de moins.
Par contre, il est possible d’avoir un arrêt de sève qu’il faudra “aider” à monter. Pour Florian Itier, l’heure n’est pas encore à la protection par arrosage pour former une coque de glace sur les bourgeons. “Nous avons eu du vent donc ce n’était pas facile et cela ne dégelait pas en journée avec un risque de surcharge sur les petites branches. Alors, nous croisons les doigts.”
“Difficile de reproduire l’exploit de l’année passée”
À Junhac, Roland Guy produit lui du jus de pommes fermier depuis 2010. Pour l’heure, le gel a également relativement épargné son demi-hectare de basses tiges et 120 hautes-tiges de variétés anciennes. “On n’est toutefois pas tiré d’affaire ; il faut rester vigilant jusqu’à fin avril et déjà voir si, la semaine prochaine, la fleur reste encore fermée”, avance avec prudence le pomiculteur des “Vergers des saveurs oubliées”.
D’autant qu’en Châtaigneraie, la récolte de l’année dernière avait été exceptionnelle et les branches tuteurées sous le poids des fruits. “Du coup, cette année, certaines variétés vont se mettre au repos”, prévoit Roland Guy. Pourtant, 2021 avait connu également des périodes de gel jusqu’au 20 avril. “Mais un peu comme le glaïeul, il y a une continuité de floraison, les pommiers avaient refleuri derrière.”
Du côté de Montsalvy, on restera attentif également aux noyers, curieusement plus fragiles que les pommiers ou les poiriers. Quant aux vignes, Laurent Mousset du Fel a confié à Roland que le bourgeon encore serré, durant cette semaine de grand froid, devrait résister... sauf nouvel épisode de gel.  
“Il faut que ce coup de gel soit le dernier !”
À Montmurat, les années passent... et se ressemblent. Sébastien Lavaurs, viticulteur-vigneron dans la commune la plus méridionale du département (au sud de Maurs), se souvient d’un épisode de gel démarré exactement à la même période, l’an dernier. “Mais durant plus d’une semaine et après un hiver exceptionnellement doux et un mois de février carrément printanier”, précise-t-il.
Une différence importante, car cette fois la vigne n’est pas autant avancée. “Actuellement, le bourgeon sort seulement de son coton”, relève Sébastien Lavaurs qui cultive son vignoble en biodynamie. Pas de panique, donc. Mais comme tous ses collègues, le viticulteur du “Domaine des orchidées sauvages”, reste réservé tant que le mois d’avril n’est pas passé. “S’il regèle, cela va s’avérer très problématique. Car à l’heure où la sève monte dans le bois, ça peut générer du stress.”
Autour de chez lui, et au vu des températures matinales encore bien froides, il observe aussi l’avancement des fruitiers, des pruniers ou cerisiers... Un bon indicateur. Et d’espérer : “Il faut que ce coup de gel de début avril soit le dernier !”