Gestion des risques : la Conf’ veut renverser la table

La Confédération paysanne propose de supprimer le dispositif des calamités et les assurances privées au profit d’un fonds mutuel et solidaire alimenté par les agriculteurs, les interprofessions, les agro-fournisseurs, les transformateurs et la grande distribution. Le fonds se déclencherait pour des sinistralités comprises entre 31% et 50%. En-deçà, l’épargne et des outils de lissage des revenus seraient convoqués. Au-delà, l’État serait appelé à la rescousse.

Quelques jours avant l’arrivée de la masse d’air à l’origine d’une calamité touchant de nombreuses régions de l’Hexagone, la Confédération paysanne publiait un document détaillant ses propositions en matière de prévention et de gestion des risques climatiques, promis à une inexorable exacerbation. En ce qui concerne la prévention, le syndicat n’a pas la prétention d’inventer l’eau chaude. Il prône la transition agroécologique, via des pratiques agronomiques (sélection, diversification...) et des investissements dans ce que la technologie peut offrir de parade aux aléas, assortis d’aides publiques.

De 0% à 20% : la responsabilité individuelle

Ces leviers à caractère préventif contribueraient à améliorer la résilience des exploitations et à tamponner des variations interannuelles de rendement inférieures à 20%, sans couverture assurantielle, ce qui ne paraît pas illogique dans la mesure où ce taux de 20% correspond peu ou prou au taux de franchise en vigueur sur les contrats multirisques climatiques.

21% à 30% de pertes : la déduction pour épargne de précaution

Un cran au-dessus, c’est à dire pour des pertes de rendements comprises entre 21% et 30%, la Conf’ en appellerait à des outils de lissage des revenus et de constitution d’épargne de précaution, ce qui correspond peu ou prou à la Déduction pour épargne de précaution (DEP) qui a remplacé la Déduction pour aléas (DPA) en 2019. La DPE autorise la déduction d’une quote-part des bénéfices agricoles et la constitution d’une épargne de précaution avant réintégration dans le résultat au cours des dix exercices suivants. Le plafond des sommes déductibles varie entre 27.000€ et 41.400€ selon une grille de bénéfices comprenant cinq tranches. L’épargne peut aussi être constituée de stocks dont le cycle de rotation est supérieur à un an.

De 31% à 50% : un fonds mutuel et solidaire

Pour des préjudices compris entre 31% et 50%, le syndicat évoque l’instauration d’un fonds mutuel et solidaire, qui aurait pour effet de jeter aux orties les calamités agricoles ainsi que les assurances privées, toutes deux jugées inefficientes et inégalitaires. Et de préciser : « cela sous-tend un système de collecte financier qui est indépendant du risque individuel à couvrir, même si l’équilibre budgétaire reste nécessaire ».

Le syndicat conserverait les 65% de subvention que la Pac alloue aujourd’hui à l’assurance multirisques pour alléger la charge des agriculteurs (soit 120 millions €/an). La contribution des producteurs proviendrait toujours de la taxe sur les contrats d’assurance bâtiment et équipements (60 millions €/an), à laquelle s’ajouterait une nouvelle cotisation prélevée par la MSA. Les DDT seraient toujours à la manœuvre opérationnelle. L’État mettrait au pot les 100 millions d’euros par an des ex-calamités. Pour compléter le fonds, une taxe « sur la spéculation des matières premières agricoles » serait instaurée. Les fournisseurs d’agroéquipements et d’intrants seraient également mis à contribution, tandis que l’aval serait sollicité, via par exemple une réorientation des CVO interprofessionnelles.

« Une couverture universelle pour toutes les fermes »

Selon la Conf’, le fonds mutuel et solidaire concernant toutes les exploitations sans distinction. « Toutes les fermes seraient indemnisées à 100% jusqu’à hauteur maximale du plafond défini à l’actif, avec application d’une dégressivité », explique le syndicat. Prenant l’exemple de l’arboriculture, l’indemnisation atteindrait 100% des pertes si les surfaces concernent moins de 5 ha par actif, puis 70% des pertes sur les surfaces comprises entre 5 et 10 ha par actif, puis 50% de 10 à 20 ha. Les fermes qui souhaiteraient être indemnisées au-delà pourraient faire appel à l’assurance privée sans aide de la Pac. 

Pour des dommages supérieurs à 51%, s’apparentant à des situations de catastrophe, la Confédération paysanne en appellerait à l’Etat pour compléter le fonds.