A quand un « Varenne » de la gestion des risques en agriculture ?

Alors que l’épisode gélif perdure et que ses impacts vont probablement se chiffrer en milliards d’euros, la FNSEA plaide pour une remise à plat de l’ensemble des dispositifs assurantiels, invitant l’État à prendre ses responsabilités, sans exonérer les agriculteurs des leurs.

Après le Grenelle de l’environnement et le Ségur de la santé, faut-il déclencher un Varenne de la gestion des risques en agriculture, en référence à la rue qui accueille le ministère de l’Agriculture à Paris ? En qualifiant l’épisode de gel de « plus grande catastrophe agronomique de ce début de XXIème siècle », le ministre de l’Agriculture a en tout cas accrédité le caractère exceptionnel du gel foudroyant des 7 et 8 avril, dont les répliques se font encore sentir cette semaine.

« Quand plusieurs milliards d’euros sont en jeu, on est plus proche d’une catastrophe naturelle que d’une problématique assurantielle, estime Arnaud Rousseau, premier vice-président de la FNSEA. Mais force est de constater que la sinistralité connaît depuis quatre à cinq ans une accélération sans précédent, n’épargnant aucune production et aucun territoire. On est désormais aux prises à des risques systémiques ».

Des systèmes atomisés et peu lisibles

Pour l’heure, l’État s’est engagé à mobiliser tous les mécanismes de soutien usuels (déplafonnement des calamités agricoles, dégrèvement de taxe foncière, report ou annulation de charges) et à activer un dispositif supplémentaire financé par la solidarité nationale. Ces procédures d’urgence ne vont pas régler le problème de fond, qui est celui de l’inadéquation entre les risques et les différents systèmes de couverture.

« Nous demandons une refonte des systèmes assurantiels, poursuit Arnaud Rousseau. On est aux prises aujourd’hui avec un système atomisé, complexe, peu lisible, avec des assurances privées pour les grandes cultures, la vigne et les vergers et des calamités agricoles abondées par tous les agriculteurs sans que tous ne puissent en bénéficier. Le tout engendre des degrés de compréhension très disparates chez les agriculteurs ».

"Le risque est réel de voir les assureurs se désengager, ce qui ne ferait que des perdants"

Pour mémoire, la vigne-arbo et les grandes cultures sont sorties respectivement en 2009 et 2011 du Fonds national de garantie en agriculture (FNGRA). Les risques climatiques encourus par ces cultures sont considérés comme assurables. Problème : en dépit d’un soutien de la Pac à hauteur de 140 millions d’euros par an, permettant la prise en charge de 65% des primes, les assurances multirisques climatiques ne font pas recette, ni auprès des agriculteurs (ils sont 30% à contractualiser en grandes cultures et en vigne, 3% en arbo), ni auprès des assureurs, qui y laissent des plumes.

« Le risque est réel de voir les assureurs se désengager, ce qui ne ferait que des perdants, estime Arnaud Rousseau. Même si les trésoreries sont au plus mal, il faut agir en responsabilité et sortir des postures consistant à réclamer une modification des moyennes olympiques et la baisse des seuils de déclenchement. Mais il faut aussi que l’État réaffirme clairement l’ambition qui est la sienne, en matière d’accompagnement des coups durs, de restructuration des systèmes assurantiels, ou encore sur le sujet de la réassurance ».

"Depuis cinq ans, on n’a pas connu une seule année sans gros pépins climatiques"

Le député Frédéric Descrozaille, dont un rapport commandité par Julien Denormandie est attendu dans les dix à quinze jours, devrait éclairer les décisions ministérielles.

Il faudra bien évidemment miser sur la contribution des leviers de prévention des risques, qu’ils soient d’ordre génétique, agronomique ou technologique. Mais leur montée en charge sera progressive et non dénuée de coûts financiers, sans être universelle, sans être infaillible et donc sans s’abstraire des dispositifs assurantiels. 

La Pac doit-elle mettre davantage au pot ? Faut-il rendre l’assurance obligatoire au risque d’engendrer des désillusions au moment des indemnisations ? Faut-il indexer les cotisations sur le chiffre d’affaires ? Faut-il décréter un « Varenne » de la gestion des risques en agriculture ? « Peut-être, répond Arnaud Rousseau. Depuis cinq ans, on n’a pas connu une seule année sans gros pépins climatiques. Cette année, c’est un gel d’une ampleur inédite. Et on n’est que le 14 avril ».