Céréales : le manque d’eau entame-t-il le potentiel de rendement ?

Avec un manque récurrent de pluies depuis le début de la campagne, les réserves en eau des sols de la région sont au plus bas alors que les blés sont en pleine montaison. Quel impact possible de ce stress hydrique précoce ?

Sécheresse : un gradient Sud-Nord très marqué

Les cumuls de précipitations depuis la sortie d'hiver sont particulièrement faibles. Ils sont inférieurs à 80 mm en Sologne, dans le Boischaut, le Berry et le Bourbonnais ainsi que dans le sud-est de l'Auvergne. Ils sont même inférieurs à 50 mm en Limagne (figure 1). Ce manque d'eau intervient après un hiver déjà déficitaire en précipitations au regard des normales, dans tous les secteurs de la région.

Un retour timide des pluies

Malheureusement, le retour des précipitations la semaine dernière a été plutôt discret dans toute la région à l'exception du Limousin et du sud-Ouest du Cantal. Partout ailleurs, il est tombé moins de 10 mm (figure 2).

Où en sont les réserves en eau du sol ?

Le suivi des réserves hydriques du sol montre également des niveaux de déficits en eau variables (tableau 1). Dans les argilocalcaires moyens, la réserve en eau du sol est passée en dessous du niveau de la RFU (Réserve Facilement Utilisable) fin mars – début avril pour les stations de Vichy, Bourges et Orléans. A Vichy et Bourges, les blés étaient entre les stades épi 1 cm et 1 nœud, tandis qu'à Orléans, le basculement est intervenu plutôt entre 1 et 2 nœuds. Les stations de Boigneville et de Tours sont celles pour lesquelles le passage en dessous de la RFU est le plus récent, autour du 10 avril, alors que les blés sont respectivement à 1 et 2 nœuds. On note un fort contraste avec la situation de la Limagne, où pour la station de Clermont-Ferrand, la réserve en eau est passée en-dessous de la RFU dès début mars alors que la montaison n'avait pas commencé.
Si les blés n'ont pas encore atteint les stades critiques de grande sensibilité au stress hydrique, qui démarrent à dernière feuille pointante (stade attendu pour fin avril), les récentes pluies n'ont pas permis de retrouver un niveau correct de réserve.

Quel impact pour le rendement ?

Actuellement, dans les zones où le déficit en eau est le plus élevé, les blés souffrent avant tout de stress azoté induit. S'il y a une pénalité sur la composante nombre d'épi par plantes levées, c'est avant tout en raison du défaut d'alimentation en azote. Le cumul de pluies dans les 15 jours qui suivent un apport est un bon indicateur du niveau de valorisation de l'azote apporté. On considère que pour être totalement valorisé, un apport doit être suivi de 15 mm de précipitations cumulés sur les 15 jours suivants (tableau 2). Pour la station de Clermont-Ferrand, ces conditions n'ont jamais été réunies depuis le 1er février, elles le seront peut-être en fonction des pluies de la semaine qui vient. Dans les autres situations, depuis le nord de l'Auvergne jusqu'à l'Ile-de-France, un épisode favorable a été enregistré entre la dernière décade de février et la première de mars, mais la situation reste également compliquée depuis l'arrivée au stade épi 1 cm.

Tableau 2 : Caractérisation du niveau de valorisation de l'engrais azoté apporté en fonction du cumul de précipitations des 15 jours suivant l'apport

Pour ce qui est strictement de l'impact du déficit en eau, les prochaines semaines vont être déterminantes. Si la pluie fait son retour avant dernière feuille pointante et que la fin de cycle est épargnée par le stress hydrique, la compensation quasi-totale est possible, dans l'hypothèse d'une alimentation azotée correcte. Si le stress hydrique se poursuit après dernière feuille pointante, les éventuelles pénalités durant la montaison se cumuleront à celles de la fin de cycle. 

Edouard Baranger, Delphine Bouttet, Michel Bonnefoy - Arvalis