Grippe aviaire : la Conf’ et le Modef appellent à un changement de modèle

Alors que l‘épidémie d’influenza aviaire prend la même tournure catastrophique que l’année passée, les deux syndicats demandent une refonte structurelle de la filière avicole. Le ministre de l’Agriculture annonce le lancement imminent d'une expérimentation vaccinale.

« Depuis six ans nous avons vécu une accélération sans précédent des crises liées à l’influenza aviaire. Cette année, c’est la crise sanitaire de trop, la quatrième. Le sacrifice de l’élevage fermier devait permettre à l’industrie avicole de continuer à produire. Malheureusement, la réalité est têtue ». Dans un communiqué, la Confédération paysanne et le Modef dénoncent les choix de politique sanitaire opérés par le ministère de l’Agriculture et les interprofessions.

En juillet 2021, les syndicats avaient pourtant signé la feuille de route actant les principes du nouveau cadre sanitaire. Mais ils s’en étaient vite démarqués, lorsqu’ont été publiés les arrêtés fixant les modalités de prévention et de lutte contre l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), signant selon eux le dévoiement de l’élevage de plein air, avec la bénédiction de l’INAO accordant des modifications temporaires des cahiers des charges.

Des arrêtés qui n’arrêtent pas le virus

Les deux arrêtés du 29 septembre 2021 imposent, en situation de risque modéré, décrété en France le 10 septembre dernier, la mise à l’abri des volailles (poules, pintades, dindes) situées en Zone à risque particulier (5319 communes correspondant à des zones humides ou des couloirs de migrations de l’avifaune) et des palmipèdes situés en en Zone à risque de diffusion (538 communes réparties sur neuf départements) en situation de risque modéré, décrété en France le 10 septembre dernier. En cas de risque « élevé », décrété le 5 novembre, toutes les volailles doivent être mises à l’abri sur tout le territoire, avec des dérogations sous filet et sous conditions pour les élevages de plein air.

Détectée pour la première fois cette saison dans un élevage du Nord le 26 novembre, l’IAHP a fait irruption dans le Sud-Ouest le 16 décembre, avant de connaître un développement exponentiel depuis début janvier dans cette région. De 34 foyers en élevage le 3 janvier (dont 26 dans le Sud-Ouest), on est passé à 92 le 10 janvier (dont 82 dans le Sud-Ouest) et à 216 le 17 janvier (dont 206 dans le Sud-Ouest). Le fait que le Nord en soit resté à 8 et la Vendée à 2, démontre, si besoin en était, que le risque est hautement inféodé à cette zone du Sud-Ouest caractérisée par la prééminence et la concentration d’élevages de canards, espèce particulièrement sensible à l’IAHP.

Contamination par les aérosols viraux des ventilations ?

Il appartient à l’Anses d’examiner les causes de cette nouvelle épidémie, dont les impacts en nombre d’animaux abattus, en pertes d’exploitation pour les éleveurs et en indemnisations pour l’Etat devraient dépasser les scores de l’an passé. En 2020-2021, l’épizootie a entrainé l’abattage préventif de 3,5 millions d’animaux. Et selon un rapport récent du CGAAER consacré à la piste vaccinale, elle a coûté à l’Etat entre 201 et 226 millions d’euros (sans compter les moyens humains), répartis ainsi :  46 à 56 millions d'euros d’indemnisations sanitaires et 155 à 170 millions d’euros de compensation aux pertes de production.

« Que les animaux soient enfermés ou pas, le scénario est le même que l’an passé, déclarent la Conf’ et le Modef. Discrètement, alors que la littérature scientifique est unanime, les experts concèdent que les gros élevages claustrés diffusent de l’aérosol viral dans l’environnement par les ventilations dynamiques, et contaminent les élevages voisins ».

Le ministre s’engage sur la piste vaccinale

Cette nouvelle épidémie va en tout cas donner un coup d’accélérateur à la piste vaccinale, le ministre de l’Agriculture s’étant résolu à l’explorer dans un cadre expérimental. Il l’a réaffirmé le 18 janvier devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. « Même quand on investit énormément dans la biosécurité, on a un virus qui continue à diffuser, a-t-il déclaré. A la fin des fins, on doit s’armer avec la vaccination. On va lancer dans les toutes prochaines semaines une expérimentation avec deux candidats vaccins ».

La piste vaccinale est cependant encore très hypothétique, du fait des questionnements posés en matière d’efficacité, de conditions déploiement le cas échéant et d’impacts financiers sur les marchés export (sélection, poussins, viande), de nombreux pays étant rétifs à la vaccination. Le ministre de l’Agriculture porte d’ailleurs le sujet au niveau européen dans le cadre de la présidence française du conseil de l'UE, « pour créer un consensus scientifique et vétérinaire ». Sur le sujet, la Conf' et le Modef mettent en garde : ils refuseront que la vaccination soit conditionnée à la claustration, « les élevages fermiers ayant été sacrifiés à tort sur l’autel d’une biosécurité incapable de stopper les infections ».