Hausse des prix des matières premières agricoles : décryptage

La flambée actuelle des prix des matières premières agricoles est-il le seul fait de la crise sanitaire mondiale ? Probablement, car bon nombre de pays cherchent à assurer la sécurité alimentaire pour leurs concitoyens en constituant des stocks stratégiques massifs. Mais est-ce la seule raison ? N’y a-t-il pas d’autres facteurs qui amplifieraient ce phénomène de hausse ?

Il ne fait plus aucun doute que la crise de la Covid-19 a comme conséquence principale l’augmentation significative des échanges internationaux, en particulier sur les matières premières agricoles de base indispensable à l’alimentation humaine. Ce fut le cas dès le premier confinement en mars dernier, où les prix du blé tendre par exemple ont fortement décroché par effet « sympathie » avec la chute du prix du pétrole. Mais seulement dix jours après cette chute vertigineuse, les cours concernant le blé tendre sont repartis à la hausse conditionnée par le retour massif des acheteurs des principaux pays importateurs comme l'Égypte le Japon, la Chine, les pays du Proche et Moyen-Orient et les pays de l’Afrique. Certains ont même modifié leurs règles commerciales pour assurer leur capacité à avoir suffisamment de stocks de matières agricoles de base si la crise sanitaire était amenée à jouer la troisième mi-temps.

Impact du climat

De ce fait les cours du blé tendre n’ont cessé d’augmenter depuis le mois de mars dernier. Mais à cela, on pourrait rajouter d’autres facteurs, qui alimentent aussi cette tendance haussière des cours de l’ensemble des matières premières agricoles : soja, maïs, orge, sucre… On peut citer le climat et ses effets négatifs sur l’évolution du cycle végétatif des principales cultures. Le phénomène climatique la Niña, qui s’explique par le refroidissement des eaux du Pacifique, et qui a comme conséquence une sécheresse sur la zone Amérique Centrale et du Sud mais aussi un excès de précipitations dans la zone Asie – Australie, contribue à revoir à la baisse le potentiel de production de blé tendre en Argentine. D’autres productions comme la canne à sucre et le soja au Brésil seraient impactées, les prévisionnistes révisant à la baisse le niveau de leurs productions depuis plusieurs semaines. La sécheresse en Russie a également fortement perturbé les semis et levés du blé tendre pour la future récolte de 2021.

Nous pourrions rajouter le pouvoir du rapport de l’USDA (Département de l'Agriculture du gouvernement des États-Unis) qui, depuis le mois de septembre 2020 et à chaque sortie mensuelle, revoit fortement à la baisse le poids des stocks du soja, maïs, blé tendre chez les principaux pays exportateurs. Dès le lendemain de la sortie du « dit » rapport, les opérateurs sur les marchés prennent des positions qui alimentent l’inquiétude et donc la hausse des cours. Toujours en provenance des États-Unis, l’élection américaine et la cacophonie autour des résultats ont eu un impact sur l’évolution haussière des cours.

L’appétit chinois est une autre explication de cette flambée des prix : à croire que la crise sanitaire pour la Chine est de l’histoire ancienne maintenant et que l’économie est repartie à plein régime au regard des volumes de matières premières agricoles importés depuis cet été. Toutes les productions sont concernées (soja, maïs, blé…) et le niveau d’importation devrait atteindre un record. On parle de plus de 10 millions de tonnes de blé tendre importés alors qu’en général la Chine n’en achète qu’environ 6 millions de tonnes.

La perspective de l’arrivée prochaine de vaccins contre la Covid-19 a eu comme effet immédiat sur les marchés financiers et par ricochet sur les marchés des matières premières agricoles, une hausse des cours, rendant les opérateurs optimistes sur la prochaine reprise économique.

Cette liste de facteurs influençant l’évolution des prix actuellement n’est certainement pas complète. Mais la particularité de cette année est sans conteste la conjonction de l’ensemble de ces facteurs qui agissent tous dans le même laps de temps ce qui amplifie le principe de la volatilité des prix. Elle est difficile à appréhender tant ces facteurs sont de plus en plus nombreux… et que la crise sanitaire n’est pour le moment pas terminée. À suivre.

 

Article PRISME L’analyse de la conjoncture et de l’actualité agricole et agroalimentaire - Décembre 2020