Intermarché assigné pour "pratiques commerciales abusives" de ses centrales d'achat

Le grand distributeur Intermarché, dans le viseur de la Répression des fraudes, a été assigné pour "pratiques commerciales abusives" de ses centrales d'achat internationales, a annoncé le 19 février le ministère de l'Economie, qui hausse le ton en demandant une sanction de 150,75 millions d'euros.

Cette assignation concerne les pratiques vis-à-vis de 93 fournisseurs des centrales internationales du groupe, les sociétés Agecore et Intermarché Belgique, dédiées à l'achat, au référencement ou à des services. Elle résulte d'une enquête menée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Intermarché, qui compte 1800 magasins en France, "entend contester les motifs de cette assignation, tant au regard du droit français que du droit européen, et démontrer la légalité des négociations internationales menées au service de la défense du pouvoir d'achat des consommateurs", réagit-il dans un bref communiqué. Ces poursuites portent sur "les négociations internationales avec plusieurs fournisseurs multinationaux", souligne Intermarché, affirmant que cela "ne concerne pas les relations commerciales avec les PME ou les producteurs de produits agricoles en France".

Dans son enquête lancée en 2018, la DGCCRF a examiné de "nombreux contrats et documents", attestant selon elle que "depuis la création d'Agecore en 2016, Intermarché a imposé à de nombreux fournisseurs, par divers moyens de pression - arrêts de commandes, déréférencements de marques, etc. - la conclusion préalable d'un contrat international avec Agecore, puis avec Intermarché Belgique, pour pouvoir continuer à distribuer leurs produits dans le réseau Intermarché en France", affirme le ministère de l'Economie dans un communiqué.

Pour la DGCCRF, "les fournisseurs ne sont pas demandeurs de ces services à faible impact commercial, qui se superposent d'ailleurs à ceux qu'ils financent déjà au niveau national pour les mêmes prestations". Il s'agit donc, selon elle, "en réalité plutôt d'un habillage pour le paiement qui s'apparente donc à un droit d'entrée en négociation sans contrepartie économique réelle". "Aux termes de ces "accords" internationaux, les deux centrales facturent tout au long de l'année à ces fournisseurs des sommes importantes en contrepartie de services de coopération commerciale, comme des opérations promotionnelles ou publicitaires ciblées", estime le ministère.

Enquête de l'UE

Ces accords "viennent perturber la loyauté des relations commerciales", affirme Bercy, qui demande au tribunal de commerce de faire preuve de sévérité en sanctionnant Intermarché à hauteur de 1% de son chiffre d'affaires en France, soit 150,75 millions d'euros. Le ministère de l'Economie pointe du doigt des "montants obtenus indûment" par Intermarché, "en violation de la loi française encadrant les relations commerciales".

"Cette nouvelle assignation d'un distributeur est un signal fort pour les entreprises de l'alimentation", a réagi l'Association nationale des industries alimentaires (Ania). Selon elle, "il est encore trop avantageux de contourner la loi : 1 point de part de marché gagné sur ses concurrents pour un distributeur c'est 900 millions d'euros de chiffre d'affaires en plus dans sa poche".

Les centrales d'achat sont dans le viseur de Bercy : fin août 2020, la centrale d'achats belge codétenue par E.Leclerc, Eurelec, a été mise à l'amende à hauteur de 6,34 millions d'euros par la Répression des fraudes pour pratiques commerciales illicites, après avoir été assignée au civil pour 117,3 millions d'euros. En février 2020, Carrefour, Système U et Intermarché avaient également été sanctionnés, à hauteur de plus de 4 millions d'euros au total, pour "non-respect des règles" lors des négociations commerciales 2019, les premières depuis l'entrée en vigueur de la loi Alimentation (Egalim) visant à rééquilibrer la répartition de la valeur entre agriculteurs, fournisseurs et distributeurs de produits alimentaires.

La Commission européenne de son côté a ouvert en novembre 2019 une enquête sur une possible collusion entre Intermarché et Casino, qui violerait les règles de concurrence de l'UE. L'exécutif européen craint que ces géants de la distribution français n'aient, via leur centrale d'achats commune INCAA, coordonné leurs politiques de prix à l'égard des consommateurs.