« J’ai 2h30 de train pour aller sur ma ferme »

Série d’été « Ils s’organisent pour mener une double activité » (1/4). Depuis 5 ans, la vie de Vincent Portier se divise entre son poste chez Mas Seeds à Bordeaux en semaine et son exploitation agricole le week-end en Sologne. Pour optimiser son temps de travail dans les champs, il a opté pour un système sans labour.

Lorsqu’il décide de reprendre l’exploitation de son oncle en Sologne en 2018, cela fait déjà 5 ans que Vincent Portier travaille chez Maïsadour, devenu Mas Seeds entre temps. Depuis 2013, année durant laquelle il est sorti diplômé d’AgroParisTech, il a évolué dans l’entreprise jusqu’à devenir directeur commercial et marketing France. Reprendre une ferme céréalière de 48 hectares au sud de Blois représente un vrai défi pour lui qui réside à Bordeaux. « L’activité agricole ne représente qu’une faible part de mon revenu. J’ai repris la ferme surtout par passion. Ce sont des parcelles à côté de là où j’ai grandi et qui étaient cultivées par mon oncle. L’exploitation a une valeur patrimoniale et affective à mes yeux », avoue-t-il. L’exploitant évoque également le besoin « de mettre la main à la pâte pour préserver son équilibre personnel ».

Côté pratique, il précise que cette reprise n’aurait pas été possible sans le réseau ferroviaire qui lui permet de relier Bordeaux à Blois en 2h30. « La présence de mes parents sur place est également primordiale. Sans avoir été agriculteur eux-mêmes, ils connaissent très bien le milieu. En semaine ils peuvent surveiller les cultures, réceptionner les livraisons ou accueillir les techniciens sur les parcelles », détaille-t-il.

Changer de système pour optimiser le temps de travail

Pour Vincent Portier, l’organisation de cette vie de double actif à distance est assez simple en réalité, à condition de bien anticiper les différentes interventions. « Je travaille sur la ferme le week-end et je pose quelques jours de congés en plus », indique-t-il. Pour optimiser le temps de travail dans les champs, il a passé l’ensemble de l’exploitation en semis direct dès son installation. « Ce sont des terres en contexte agro-climatique compliqué. Les sols sont sableux et acides avec des rendements faibles. Ce changement d’itinéraire cultural ne pouvait pas vraiment impacter le potentiel », décrit l’exploitant solognot.

Après ce premier changement, il déroule les pratiques de l’agriculture de conservation des sols : couvert d’inter-culture, fertilisation de fond 100% organique à base de boues de station d’épuration et diversification de la rotation. « Les épandages sont réalisés par un entrepreneur. L’avantage des boues, c’est qu’elles sont neutralisées avec de la chaux, ce qui économise le temps de chaulage des parcelles », relève Vincent Portier. La moisson est elle aussi déléguée à un entrepreneur. « Mais je suis toujours sur place pour vérifier que tout se passe bien », précise-t-il.

De semencier à producteur de semence

Pour diversifier sa rotation, Vincent Portier s’est appuyé sur son expertise acquise chez Mas Seeds. « Le système de l’exploitation était structurellement déficitaire. Il fallait amener de la valeur. Je me suis logiquement tourné vers la production de semence sous contrat », explique-t-il. Il produit notamment de la semence de céréale, de trèfle violet et de vesce velue. « Sur ce terroir, c’est un peu plus simple de produire des céréales à paille et du fourrage que du tournesol et du maïs. L’idée était de comprimer les charges et d’avoir une bonne productivité », analyse le directeur commercial France de Mas Seeds.

Son parc matériel est également optimisé pour réduire les coûts. Il compte un tracteur de 100 ch, un pulvérisateur, un épandeur et une benne. « J’ai aussi acheté un semoir de semis direct. C’est un investissement important, mais je ne pouvais pas m’en passer pour le système que je voulais mettre en place », relève-t-il.

De nouveaux projets 

Après cinq ans de double activité, Vincent Portier devrait prochainement quitter son poste chez Mas Seed pour se consacrer entièrement à son exploitation en Sologne. Il va y développer un atelier de production de fraises en jardin suspendu. Pour cette diversification gourmande en main d’œuvre, ses compétences de directeur commercial pourront être mise à profit. « Actuellement je manage 20 personnes. C’est quelque chose qui me plaît. Même si ce n’est pas le même type de public, je pense que mon expérience ne pourra être que bénéfique », prévoit-il.