L’exposition des agriculteurs aux pesticides sous l’œil d’un groupe d’experts

A la suite d’un signalement, la CNDASPE va procéder à une expertise destinée à actualiser l’état des connaissances sur l’exposition professionnelle aux pesticides. En jeu : la santé des opérateurs mais aussi la délivrance des Autorisations de mise sur le marché (AMM).

Créée en 2013, la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et environnement (CNDASPE) est une institution indépendante œuvrant à renforcer la déontologie et faciliter la remontée des alertes en santé-environnement. En mars dernier, elle a reçu un signalement portant sur « l’inefficacité des équipements de protection individuelle » utilisés lors de l’épandage des pesticides dans un cadre professionnel. Deux mois plus tard, elle était saisie par la CFDT Agri-Agro, pour « travailler sur les points qui n’ont pas permis de supprimer ou de réduire les risques liés à l’exposition aux pesticides des travailleurs de la production agricole ».

Ces deux interpellations ont déclenché la mise en place d’un groupe d’experts scientifiques indépendants par la Commission qui, dans un communiqué « s’interroge particulièrement sur la qualité de l’expertise portant sur l’exposition des opérateurs, en fonction des modes de production, de la conception des appareils d’épandage et de l’utilisation d’équipements de protection individuelle ».

Santé publique et AMM

Selon la CNDASPE, plusieurs publications scientifiques récentes mettent en avant une « maîtrise très imparfaite » de l’exposition des opérateurs aux pesticides, ce que l’Anses notamment avait documenté en 2016, dans son rapport intitulé « Expositions professionnelles aux pesticides en agriculture », jugeant « nécessaire de poursuivre les travaux et actions engagées visant à harmoniser et à faire évoluer l’évaluation des risques et des expositions dans la procédure de mise sur le marché des pesticides ».

La CNDASPE fait également référence à l’expertise collective de l’Inserm publiée en juin 2021, laquelle avait confirmé la présomption forte d’un lien entre l’exposition aux pesticides et six pathologies (lymphomes non hodgkiniens, myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, broncho-pneumopathie chronique obstructive, bronchite chronique).

Outre les enjeux de santé publique, l’expertise en matière d’exposition revêt une importance capitale puisqu’elle conditionne en partie les Autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires. Sous-estimer les risques d’exposition ou sur-estimer la capacité des Equipements de protection individuelle (EPI) est potentiellement de nature à biaiser les conditions d’homologation.

Les deux attendus du groupe d’experts

La CNDASPE attend du groupe d’experts indépendants une actualisation de l’état des connaissances sur les niveaux d’exposition et leurs déterminants, notamment ceux associés aux modes de culture, aux techniques agricoles, aux pratiques des opérateurs, aux propriétés physico-chimiques des pesticides utilisés, et aux caractéristiques des EPI et machines agricoles.

Il est également demandé au groupe d’experts de procéder à une analyse critique du processus d’expertise scientifique et technique conduit à l’échelle communautaire et des Etats membres en vue de la maîtrise des expositions professionnelles aux pesticides en agriculture, et de formuler des recommandations pour renforcer son indépendance vis-à-vis des différents porteurs d’intérêts, ainsi que sa qualité scientifique et sa transparence.

Sur la base du rapport du groupe d’experts, la CNDASPE produira un avis à destination des autorités d’expertise et de prévention compétentes aux échelles nationale et communautaire et à l’intention du gouvernement.