La filière viticole peu exposée à la Russie mais...

La Russie représente moins de 3% des exportations françaises de vins et spiritueux français. Mais les conséquences d’un conflit inédit aux portes de l’Europe restent insondables, tempère la profession.

340 millions d’euros : c’est le montant des exportations françaises de vins et spiritueux enregistrées en 2021 en Russie. Une goutte d’eau, si l’on se réfère aux 14,2 milliards d’euros d’excédent commercial réalisé l’an passé, toutes destinations confondues, selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). Les 340 millions d’euros incluent en prime des exportations vers les pays baltes avant réexpédition vers la Russie. « Le marché russe était plutôt orienté à la hausse ces dernières années tout en demeurant erratique, souligne Bernard Farges, président du Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine et à indication géographique (CNIV). Il est encore prématuré de jauger les conséquences du conflit entre la Russie et l’Ukraine ».

Entre mesures de rétorsion et dégâts collatéraux

Outre le potentiel impact direct du conflit sur les exportations, la filière redoute la mise en œuvre de mesures de rétorsion. « Les vins et spiritueux constituent une cible privilégiée en cas de conflits commerciaux, déclare Maxime Toubart, co-président du Comité Champagne. En 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie, qui avait donné lieu à l’instauration de sanctions économiques par l’Union européenne, la filière viticole avait cependant été épargnée par les mesures de rétorsion décrétées par la Russie ».

Plus que d’éventuelles contre-réactions de la Russie, la filière redoute un effet collatéral du conflit sur l’ensemble du marché des vins et spiritueux. « C’est ce que nous avions vécu lors de la guerre du Golfe il y a 30 ans », se remémore Maxime Toubart.

Comme l’ensemble des filières, les acteurs des vins et spiritueux vont s’atteler à jauger les impacts de la guerre sur leur activité, en lien avec le « plan de résilience » annoncé par le président la République le 26 février lors de son inauguration expresse du Salon de l’agriculture, deux jours après le début de l’attaque.

"Notre diplomatie économique est trop timide et trop pudique dans le secteur des vins et spiritueux"

Si la filière affiche des performances export records en 2021, c’est en partie lié à la résolution du conflit UE-USA, sur fond de guerre (commerciale) entre Airbus et Boeing. « L’épisode a engendré une chute de 25% des exportations pendant 15 mois », rappelle Bernard Farges, qui regrette une « diplomatie économique trop timide et trop pudique » dans le secteur des vins et spiritueux. A l’intérieur même de l’UE, la filière attend désespérément une simplification des procédures administratives, liées à la fiscalité à géométrie variable entre Etats membres. « C’est très compliqué pour un vigneron d’expédier 12 bouteilles de vin en Belgique ou en Allemagne », déplore Bernard Farges. 

Même si l’actualité sur le front ukrainien écrase tous les sujets, la profession continue de pousser certains sujets franco-français, dans la perspective de l’élection présidentielle. Dans le viseur : la surtransposition des normes (ZNT, plan pollinisateurs...), la valorisation de la dimension culturelle et gastronomique du vin, la promotion d’un mode de consommation fondé sur la modération, le maintien d’un cadre juridique (loi Evin) et fiscal équilibré...