La HVE s’étend au sucre

En collaboration avec une quinzaine de betteraviers du sud bassin parisien, Tereos lance une campagne pilote de sucre estampillé Haute valeur environnementale (HVE). Au-delà du défi technique pour les producteurs, le marché reste à créer et le consommateur à aller chercher.

Au printemps 2021, le consommateur aura le choix, dans les rayons des supermarchés, entre du sucre classique, du sucre bio et… du sucre estampillé HVE. Cette certification haute valeur environnementale, qui s’applique à l’ensemble d’une exploitation et non à une production en particulier comme c’est le cas pour l’Agriculture biologique, monte en puissance. A l’heure actuelle on la retrouve surtout sur les vins, un peu sur les fruits et légumes, les pâtes ou le pain. Pour le sucre, ce sera une première, orchestrée par Tereos.

A la production : 15 betteraviers livrant l’usine d’Artenay, dans le Loiret. Parmi eux, Pascal Chenu, agriculteur à Lumeau (Eure-et-Loir) sur 193 hectares, dont 50 de betteraves, est certifié HVE depuis un an. Il produit également des pommes de terres, des céréales et des oignons. « La démarche de certification est venue avec la production d’oignons, vendue via un groupement de producteurs locaux. L’idée était de créer de la valeur », explique-t-il. « On sent que le marché est porteur. Il y a un positionnement à prendre entre le bio et le conventionnel », poursuit-il.

Des investissements conséquents

La certification HVE s’appuie sur une obligation de résultat concernant le maintien de la biodiversité sur l'exploitation, la préservation de la ressource en eau et la réduction des intrants (engrais et produits phytos). « La certification est valable pour trois ans et nous sommes audités tous les 18 mois », précise Pascal Chenu.

« Sur mon exploitation, le premier volet concernant la biodiversité était le plus facile à avoir », explique-t-il. Ceci grâce à une rotation de plusieurs cultures et la mise en place de surfaces non productives mais dédiées à la préservation de la biodiversité : des bandes enherbées, des jachères mellifères, etc.

« C’est le volet phyto qui est le plus difficile », témoigne Pascal Chenu. Pour diminuer son usage des traitements chimiques, l’exploitant a dû effectuer des investissements importants au cours des dernières années : herse étrille, bineuse, rampe de pulvérisation, sans compter les OAD comme Mileos.

Pour la gestion de la fertilisation et de l’eau, Pascal Chenu est adepte des nouvelles technologies : Farmstar pour la gestion de l’azote, Weenat pour les sondes tensiométriques connectées.

Pascal Chenu estime que ces investissements entraînent une hausse de 15 à 20% de son coût de production. « Quand on voit les investissements à réaliser et les changements à mettre en œuvre sur les exploitations pour passer en HVE, il faut bien comprendre que cette certification ne peut pas devenir la base, estime-t-il. C’est une montée en gamme, il faut qu’il y ait une valorisation derrière ».

Un marché à créer

Mais côté rémunération, tout reste encore à construire. Car si cette démarche environnementale peut répondre aux tendances de consommation, l’enjeu est désormais de la faire connaitre aux consommateurs, qui doivent s’y retrouver avec un (énième) logo dans les rayons. Et la démarche, pourtant portée par le ministère de l’Agriculture, ne peut pas compter pour le moment sur des actions de communication de ce dernier. Aux marques et aux distributeurs de faire l’effort.

Dans le cas du sucre, c’est donc Tereos qui lance une première campagne test cette année avec environ 400 hectares de betteraves issues de quinze exploitations certifiées HVE. Livrées à l’usine d’Artenay, dans le Loiret, les betteraves HVE ont été récoltées en début de campagne pour ne pas les mélanger avec les betteraves conventionnelles. Le sucre estampillé HVE sera vendu à destination des industriels (BtoB) et des consommateurs finaux (BtoC). Une large campagne de communication est prévue à destination du grand public, pour faire connaître la démarche.

« Il faut créer la filière, communiquer auprès du consommateur et voir comment évolue la demande, indique Jean-Charles Lefebvre, président du conseil de surveillance de Tereos. Si le marché est encore émergent, nous sommes persuadés qu’il répond à un enjeu d’avenir ».