La HVE, un faux passeport agroécologique ?

[Edito] Selon l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), la certification Haute valeur environnementale (HVE) est en l’état trop faible pour flécher les fonds publics et jette le discrédit sur l’agroécologie à la Française.

« L’analyse approfondie des critères de la certification HVE fait apparaitre qu’en l’état actuel de son cahier des charges, cette certification ne peut prétendre accompagner une réelle démarche de transition agroécologique ». Le procès en « greenwashing » n’est pas très loin mais il n’émane ni d’associations environnementalistes, ni de certains syndicats qui, en fin d’année dernière, avaient dénoncé le projet d’attribution d’un crédit d’impôt dédié de 2500 euros, au motif que la HVE n’était pas un gage de transition agroécologique. Cette fois, le coup est porté par l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), un think tank indépendant. Son jugement est sans appel.

La voie B aux orties

Il existe deux moyens d’accéder à la certification HVE. La voie A repose sur environ 40 critères relatifs à la biodiversité, à la stratégie phytosanitaire, à la gestion de la fertilisation et de l’irrigation. La voie B s’appuie sur deux ratios censés traduire l’orientation agroécologique de l’exploitation, à savoir le part des intrants dans le chiffre d’affaires (<30 %) et la part de la SAU en infrastructures agroécologiques (>10 %) ou en prairies permanentes (>50 %) s’agissant des exploitations d’élevage.

Ces deux ratios posent problème à l’IDDRI. Les données du réseau d’information comptable agricole (RICA) montrent que le ratio intrants/chiffre d’affaires est en moyenne de 14 % en viticulture et de 26 % en maraîchage, alors que la moyenne toutes orientations technico-économiques (Otex) confondues est de 41 %. Il est supérieur à 50 % pour les Otex bovins viande, bovins mixtes, ovins et caprins, céréales et oléoprotéagineux. L’IDDRI explique ainsi la sur-représentativité des exploitations viticoles certifiées HVE (80%). « L’analyse de cette voie globale montre que ni le ratio intrants/chiffre d’affaires, ni le pourcentage d’infrastructures agroécologiques tel qu’il est calculé ne permettent de garantir une ambition environnementale plus élevée que dans une exploitation standard, juge l’IDDRI. Il convient donc de supprimer cette voie d’accès à la certification HVE ».

La voie A à l’amende

La voie A et son système à points sur une quarantaine de critères sont à peine mieux traités. Selon le think tank, l’analyse des indicateurs et critères utilisés fait apparaitre des niveaux d’exigence très variables entre les indicateurs. Et bien que la plupart des items soient intrinsèquement intéressants, « les multiples possibilités d’obtenir des points et les systèmes d’équivalence retenus, en particulier pour la comptabilisation des haies, aboutissent à un niveau d’exigence environnementale au final très faible et de fait très peu à-même de transformer les systèmes agricoles vers une plus grande durabilité ». La voie A pêche aussi par l’absence de critères en matière de gestion des sols et du carbone, d’atténuation au changement climatique et d’efficacité énergétique.

Trop faible pour flécher les fonds publics

Selon l’IDDRI, la certification HVE est trop faible en l’état pour faire office de passeport agroécologique. Le think tank lui préfère nettement l’agriculture biologique ou encore la Haute valeur naturelle (HVN), qui caractérise les systèmes d’élevage extensifs mais qui n’a pas, à ce jour, de réelle matérialité.

Si la HVE manque de crédit, l’IDDRI pose la question des crédits accordés à la certification, tant au plan national qu’au plan européen, au cas où la HVE s’inviterait dans les éco-régimes de la prochaine Pac. « Sans une révision profonde de son cahier des charges, la HVE ne peut être utilisée dans le cadre des éco-régimes de la future PAC ou encore, comme il est pressenti, comme critère d’accès privilégié à la restauration collective, à la suite de la loi EGAlim, ou encore pour ouvrir droit à un crédit d’impôts dans le cadre de la loi de finances 2021 », tranche le think tank.

Reste à savoir ce que la Commission nationale de certification environnementale (CNCE) fera de ces conclusions.

N.B. : L’analyse a bénéficié du soutien des pouvoirs publics au titre des investissements d’avenir.