La pollution des sols par les pesticides, angle mort de la biosurveillance environnementale

Une étude de l’INRAE pointe une persistance « inattendue » des molécules de pesticides dans l’environnement, bien au-delà de leur temps de dégradation théorique et à des concentrations supérieures à celles escomptées. L’INRAE évoque « l’intérêt d’une surveillance nationale ».

Entre 2019 et 2021, dans le cadre du projet Phytosol, 47 sols cultivés (grandes cultures, vignes et vergers) mais aussi des sols supposément non traités (prairies, forêts, friches) prélevés dans toute la France ont été échantillonnés à une profondeur comprise entre 0 et 20cm. Résultats ? Sur les 111 substances recherchées, priorisées par l’Anses sur la base des usages et du comportement dans l’environnement, 98% des sites étudiés présentent au moins une substance. Au total, 67 molécules différentes ont été retrouvées, majoritairement des fongicides et des herbicides. Les résultats ont été publiés dans la revue Environmental Science & Technology.

Grandes cultures, glyphosate

Les parcelles de grandes cultures sont les plus contaminées, avec jusqu’à 33 substances différentes retrouvées dans un seul site, et une moyenne de 15 molécules dans les sols. Plus inattendu, dans les sols sous forêts, prairies permanentes, en friche ou en agriculture biologique depuis plusieurs années, plus de 32 pesticides différents ont été détectés, à des concentrations majoritairement plus faibles que pour les sites en grandes cultures.

Les molécules les plus fréquemment détectées sont le glyphosate et l’AMPA, son métabolite principal, présents dans 70% et 83% des sols prélevés. Des fongicides de la famille des triazoles (époxiconazole) ou des fongicides inhibiteurs succinate deshydrogénase (SDHI) sont également retrouvés dans plus de 40% des sites, tout comme des insecticides de la famille des pyréthrinoïdes comme la tefluthrine. Si la majorité des substances recherchées sont utilisées uniquement en agriculture conventionnelle, quelques molécules peuvent cependant être utilisés en agriculture biologique, comme les pyréthrinoïdes.

Si les herbicides contribuent le plus aux concentrations totales en pesticides retrouvées dans les sols, le risque majeur estimé pour les vers de terre est dû aux insecticides et aux fongicides, indique l’INRAE. Les risques de toxicité chronique pour ces vers de terre sont modérés à forts pour toutes les parcelles cultivées.

Persistance « inattendue »

Ces travaux de grande ampleur démontrent une persistance « inattendue » des molécules de pesticides dans l’environnement, souligne l’INRAE, bien au-delà de leur temps de dégradation théorique et à des concentrations supérieures à celles escomptées, calculées à partir des informations sur les traitements phytosanitaires effectués sur les parcelles fournis par les agriculteurs (date d’application et doses appliquées), en utilisant les temps de dégradation théoriques. « Ces résultats soulignent un besoin accru de surveillance des sols, qui pourrait s’appuyer sur le Réseau de mesures de la qualité des sols (RMQS), en place depuis plus de 20 ans », estime l'INRAE.

La contamination de l’environnement par les résidus de pesticides fait depuis de nombreuses années l’objet d’une surveillance pour les milieux aquatiques et l’atmosphère. Ce n’est pas encore le cas pour les sols.