Le colza face à l’après-phosmet

L’insecticide ne sera plus utilisable au plus tard le 1er novembre 2022, générant une impasse dans certaines zones de production. La filière escompte décrocher une dérogation pour le cyanthraniliprole et actionne plusieurs boucliers agronomiques.

Dans un document d’exécution datant du 24 janvier 2022, la Commission européenne a définitivement retiré l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) du phosmet, la matière active du Boravi WG. Les Etats membres de l’UE ont jusqu’au 1er mai 2022 pour mettre à exécution le règlement. L’usage de l’insecticide sera proscrit au plus tard le 1er novembre 2022 afin d’écouler les reliquats de produit, au titre du délai de grâce. En France, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) n’a pas encore statué sur le calendrier qu’elle compte appliquer, ni pour la fin de la mise en marché, ni pour le délai de grâce. « Nous espérons que les autorités appliqueront le délai de grâce maximal, soit le 1er novembre 2022 », déclare Franck Duroueix, responsable de l’évaluation des intrants à Terres Inovia.

Un quart de la sole de colza dans la balance

L’enjeu n’est pas neutre car ce délai permettrait de disposer de l’insecticide encore cet été pour lutter contre les altises adultes susceptibles de sévir de la levée au stade quatre feuille, puis contre les charançons du bourgeon terminal en octobre. Mais le 1er novembre ferait néanmoins office de couperet pour les larves d’altises. Quel que soit l’arbitrage final de l’Anses, il faudra faire sans le phosmet en 2023, avec pour seule alternative chimique les pyréthrinoïdes. « Du fait des résistances, les pyréthrinoides sont inefficaces contre les altises, adultes et larves confondus, en Bourgogne-Franche-Comté ainsi que dans certains départements périphériques, affirme Franck Duroueix. Ailleurs, le recours aux pyréthrinoïdes n’est pas durable car il a pour effet de sélectionner la résistance ».

La filière a fait ses comptes : sans alternative, la sole de colza pourrait chuter à un niveau compris entre 700.000 et 900.000 ha, alors que la moyenne quinquennale se situe à 1,2 million d’ha et la sole 2021-2022 à 1,1 million d’ha, en hausse de 13% par rapport à 2020-2021. L’arrêt forcé du colza compliquerait sérieusement l’assolement de nombreuses exploitations et serait préjudiciable à la filière et à ses débouchés oléiques (huile, glycérine, biocarburants) et protéiques (tourteaux).

Demande de dérogation pour le cyanthraniliprole

Au plan de la stricte lutte chimique, Terres Inovia teste depuis quelques années le cyanthraniliprole, un insecticide de Syngenta qui détient plusieurs homologations sur arbres, arbustes et plantes florales. Verdict sur les ravageurs problématiques du colza ? « La molécule est efficace contre les adultes et les larves d’altise », indique Franck Duroueix. La filière espère décrocher une dérogation pour l’automne 2022. « Le cas échéant, encore faudra-t-il qu’elle ne soit pas assortie de restrictions d’usage, en terme de date et/ou de stade physiologique, laissant possiblement certains producteurs dans l’impasse », tempère Franck Duroueix.

Boucliers agronomiques

Parallèlement, Terres Inovia active plusieurs boucliers agronomiques, à commencer par la stratégie dite du colza robuste, consistant à prendre de vitesse les ravageurs, mais qui reste suspendue à la survenue d’un minimum de pluie autour du semis. La régulation naturelle des ravageurs, via la mise en œuvre de couverts attractifs des auxiliaires et/ou répulsifs des ravageurs, est également explorée, dans le cadre du projet expérimental R2D2 dans l’Yonne. La filière, qui a dégagé 8 millions d’euros pour trouver des solutions alternatives au phosmet, nourrit également des espoirs dans la sélection génétique ou encore le biocontrôle. Le ministère de l’Agriculture a de son côté alloué un budget de 2,5 millions d’euros à cette même quête.