Le coût de l’énergie sur la chaîne alimentaire

[Edito] « L’énergie est notre avenir, économisons-la ». Ce célèbre slogan publicitaire - qui est en réalité une obligation légale depuis 2007 pour toute publicité émise par un fournissant d’énergie - a de beaux jours devant lui. La flambée du coût de l’énergie et les distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne fragilisent grandement les filières agro-alimentaires, dont le caractère « essentiel » doit être rappelé.

Après un mois d’octobre exceptionnellement chaud et sec avec une température moyenne de 3,5°C au-dessus des normales et un déficit pluviométrique de 35%, les températures de ce mois de novembre demeurent encore supérieures aux normales de saison. Cet « été indien » a permis de prolonger une faible demande en gaz et en électricité pour le chauffage, mais les premiers frimas font désormais leur apparition.

Après un repli au mois d’octobre, les prix du gaz se sont à nouveau consolidés autour des 110 €/Mwh, un niveau toujours historiquement élevé. Réunis à Bruxelles le 24 novembre, les ministres européens de l’Energie ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur un plan de plafonnement des prix du gaz. Quelques jours plus tôt, la Commission européenne avait proposé de plafonner les contrats de gaz à 275 €/Mwh, un niveau particulièrement élevé qui n’avait pas vocation à faire baisser les prix mais plutôt à éviter les pics tels que ceux atteints fin août (plus de 330 €/Mwh) et à faire en sorte que les cargos de gaz liquéfié ne se détournent des ports européens.

Cette absence de consensus fragilise toute l’industrie européenne et pose un problème de distorsion de concurrence entre les Etats-membres. « Quand l’Allemagne annonce un plafonnement du prix de l’électricité à 130 €/Mwh, que la Pologne évoque 180 €/Mwh et que l’Espagne et le Portugal, de leurs côtés, ont d’ores et déjà acté 200 €/Mwh, beaucoup de nos entreprises achètent à des prix supérieurs à 500 €/Mwh sur le marché français », ont alerté dans un communiqué commun 25 interprofessions françaises de l’agro-alimentaire. Les filières dénoncent l’insuffisance des aides de l’Etat face à la flambée des prix des intrants. « Nos entreprises ne pourraient survivre à des prix de l’énergie significativement supérieurs (au-delà de 180 €/Mwh) à ceux de nos homologues européens », affirment-elles. « Si beaucoup d’entreprises ne peuvent pas répercuter l’explosion des coûts de production, elles n’auront pas d’autres choix que de rationaliser leurs gammes et/ou de réduire drastiquement leurs activités voire de les arrêter définitivement », concluent les interprofessions.

C’est dans ce contexte particulièrement difficile que démarre aujourd’hui la collecte nationale des banques alimentaires, auxquelles recourent entre 2 et 4 millions de personnes en France. La hausse des prix de l’alimentation (+12% sur un an en octobre) fragilise doublement cette collecte : d’un côté elle fait monter en flèche le nombre de bénéficiaires, de l’autre elle pourrait entraîner une baisse des dons. « Troisième poste budgétaire après le loyer et les factures d’eau et d’énergie, l’alimentation est souvent le poste d’ajustement des dépenses », rappellent les banques alimentaires. Les filières agro-alimentaires réclament d’être protégées par un plan d’accompagnement « à la hauteur des enjeux », considérant l’importance stratégique de la souveraineté agricole, que le gouvernement n’a cessé de mentionner pendant la crise du covid. L’alimentation est notre avenir, cultivons-la.