Le marché au Cadran cherche des solutions pour retrouver un second souffle

Commerce de bovins - Pas assez d’animaux, d’éleveurs et d’acheteurs, des cotations loin des coûts de production...

Marché au cadran de Mauriac : “Il va falloir qu’il y ait un sursaut !”

2019 a été une mauvaise année pour le marché au cadran, qui a vu ses apports baisser de 11 % avec un total de 20 759 animaux, 3 750 de moins que 2018, une année qualifiée d’exceptionnelle par Michèle Chastan, présidente de la SAS du marché au cadran de Mauriac, qui tenait son assemblée générale vendredi 4 septembre dans une ambiance des plus moroses. L’effectif 2019 reste même inférieur à celui de 2017. Moins d’animaux, un recul des ventes de 15 % (avec un taux de ventes de 89,5 %), un prix moyen en berne à 770 € (- 15 €) : difficile de retenir du positif dans cet exercice 2019 qui s’annonçait pourtant prometteur en début d’année.
Effondrement sur le broutard
Aucune catégorie n’est épargnée : quasiment 2 000 broutards de moins achetés (9 055 au total) - “on les perd principalement dans le Cantal” -,
600 laitonnes de moins vendues, des transactions de JB quatre fois moins nombreuses, baisse également dans la catégorie des vaches de boucherie et engraissées... “Il va falloir qu’il y ait un sursaut”, a lancé Michèle Chastan. Ce rebond est cependant loin de se profiler sur la campagne en cours : “Après le confinement, on avait assez bien redémarré avec un bon mois d’avril sur les vaches mais dès qu’on est revenu sur les broutards, les cours n’ont pas été là”, sans compter qu’en avril et mai, un certain nombre d’éleveurs a déserté le marché en raison du contexte sanitaire.
Depuis, les différents indicateurs n’ont fait que virer au rouge : “Fin août (2020), tous les prix ont baissé dans les légers, les intermédiaires, les femelles... constate la cheffe de ventes, Émilie Delbert. Là où la baisse est la plus drastique, c’est sur les veaux salers croisés de 400 kg, catégorie qui constitue le cours standard.”
À 2,52 €/kg à fin août, cette catégorie encaisse un repli de 13 centimes par rapport à la même époque de 2019, et entraîne dans son sillage les broutards salers (- 8 cts €), les aubrac (- 8 cts €), limousin (- 5 cts €). Seules les femelles (velles) semblent résister à 2,40 € (+ 7 cts), sans que ce soit l’euphorie.
“L’Italie mène la danse” ?
Du côté de la SAS, on ne s’aventure à aucun pronostic pour l’automne. “J’ai l’impression que ces dernières semaines, tout le monde s’observait...”, exprime Michèle Chastan, qui invite la filière à jouer collectif pour retrouver de la valeur. Comment ? En faisant sauter le goulot d’étranglement que constitue le canal historique italien, en position d’acheteur dominant renforcée par le contexte Covid. “La chute du prix du pétrole a entraîné la dévaluation de certaines monnaies et donc des difficultés à l’export, notamment en Algérie, les contrats en cours avec Israël patinent ; avec le Covid, les achats pour ces pays tiers, Maroc, Tunisie, n’ont pas redémarré, la situation sur l’Espagne est catastrophique depuis le début de l’année. Et quand l’étau se resserre, c’est l’Italie qui mène la danse, ce n’est pas nouveau...”, constate la présidente, qui appelle profession et État à un soutien des engraisseurs. “Aujourd’hui, les abattoirs tuent des babys achetés le 14 juillet. Les abattoirs français ne peuvent pas re-remplir et en Italie aussi c’est compliqué, il n’y a pas de places, pas d’argent chez les engraisseurs”, abonde Pierre-Antoine Fabre.
Des éleveurs remontés
Un tableau que contestent vivement des éleveurs dans la salle, au premier rang desquels Géraud Fruiquière, adhérent au marché et membre du bureau de la FDSEA : “Aujourd’hui, le marché est fluide vers l’Italie, les abattages se font, les cours se tiennent, mais on a l’impression qu’il y a une concurrence accrue des opérateurs nationaux qui jouent sur la sécheresse et se tirent la bourre aux détriments des éleveurs !” Lui reste persuadé que seul un rapport de force - à l’image de celui établi sur le marché des vaches de réforme - peut aboutir à revaloriser le prix des broutards (lire aussi en page 22).
Des éleveurs qui ne comprennent pas non plus le jeu de l’opérateur dominant au cadran de Mauriac : “Quand un opérateur fait la majorité du volume sur le marché, c’est inquiétant ; il fait sa loi avec un prix inférieur au cadran à celui qu’il pratique en fermes !”, fustige Géraud Fruquière, appelant à une diversification des acheteurs à Mauriac.
Consciente du phénomène, Michèle Chastan regrette pour sa part que “certaines maisons ne viennent que quand elles ont besoin (…)”, à l’inverse de négociants intermédiaires “qui font un très très gros boulot”. Pour attirer de nouveaux acheteurs, la présidente ne voit qu’une solution : regarnir les effectifs et donc convaincre les éleveurs de (re)venir au marché de Mauriac. Équation insoluble ? La SAS ne baisse pas les bras et a décidé d’innover en proposant d’ici la fin de l’année un nouveau service : la vente en vidéo.
“Il manque 60 animaux par semaine pour être à l’équilibre”, a calculé Martial  Tardivon, chef des ventes du marché de Moulins-Engilbert, invité à témoigner de la vente en vidéo. Avant de lancer : “Soutenez votre marché ! C’est une référence qui dépasse les frontières du Cantal, il est d’une importance capitale pour votre région, vos races...”


Patricia Olivieri

 

LEGENDE / Les chiffres dévoilés par Michèle Chastan ne sont pas bons. Et aucune catégorie n’est épargnée...