« Les vendangeurs, on ne pourrait rien faire sans eux ! »

Après plusieurs années de récoltes amputées par le gel, la vendange 2022 est superbe en Vignoble nantais. Pour les exploitants qui ont fait le choix d'une récolte manuelle, le recrutement d'une équipe de vendangeurs constitue une condition sine qua non de la valorisation de ces beaux fruits. A Gorges, Fred Lailler, vigneron, et Gwen, sa salariée, ont bien compris que cette main d’œuvre saisonnière était précieuse.

« Je crois que c'est la meilleure équipe de vendangeurs que j'ai eue depuis 7 ans que je suis salariée au domaine. Ils sont du tonnerre, ils bossent super bien. En plus, tout le monde s'entend bien, ça rigole beaucoup dans les vignes ! ». En ce 1er septembre, Gwen attaque son huitième jour de vendanges sur le domaine Brégeon, à Gorges, un petit domaine de 9 hectares conduit en agriculture biologique, qui produit des muscadets et gros plants réputés dans le monde entier.

Seule salariée de l'exploitation, Gwen a appris avec son patron, Fred Lailler, tout le travail de la vigne et du vin. Et la passion qui va avec. « Ces vignes, je m'en occupe toute l'année. Alors, au moment des vendanges, je suis au taquet ! J'ai écourté mes vacances pour revenir préparer les cuves, même si Fred n'était pas d'accord ! ».

« Quand ça va pas, il faut le dire... quand ça va bien aussi »

Le temps de la récolte, Gwen se transforme en chef d'équipe de vendangeurs, organisant le travail, gérant les horaires, distribuant instructions et conseils, supervisant les rangs vendangés... « Certains ont l'habitude des vendanges, d'autres pas. Alors, on leur apprend à couper les grappes, à respecter la vigne, le matériel et le sol. Par exemple, le baquet dans lequel on dépose les grappes ne doit pas être poussé mais soulevé avec le pied, pour ne pas abîmer la terre », décrit-elle. « Les qualités que doit posséder un bon vendangeur : être consciencieux, courageux, bosseur, endurant et ponctuel. C'est sur ce point que parfois, le matin, c'est difficile pour certains ! », s'amuse-t-elle. « Quand ça va pas, il faut le dire, Mais quand ça va bien, il faut le dire aussi. Et en ce moment, ça va bien, ça carbure ! ».

Au début de l'été, Gwen s'est occupée en grande partie du recrutement de l'équipe. Un casse-tête pour tous les vignerons qui vendangent à la main, mais Gwen a « ses trucs » : des copains, des voisins, la famille de Fred et de son épouse Maud, et, surtout, le groupe Facebook des saisonniers agricoles sur lequel elle a posté une annonce. « C'est pas toujours facile, car on leur demande de se rendre disponibles pour des dates qui ne sont pas fixées à l’avance : autour de fin août, mais ça peut varier d'une semaine. Cette année, c'était particulièrement tôt, mais ce n'est pas nous qui commandons, c'est la nature ».

« On avait prévu 30 personnes », décrit Gwen. Mais après quelques désistements, et 4 jeunes qui ont dû reprendre le lycée le 1er septembre, il ne reste plus qu'une vingtaine de personnes dans les vignes. Gwen ne se plaint pas : l'un de ses voisins a vu toute son équipe de vendangeurs roumains lui faire défaut au dernier moment...

L'une des tâches les plus physiques des vendanges consiste à hisser les portoires sur le plateau de la remorque du tracteur. Photo Catherine Perrot.

Un travail très physique, au Smic horaire

« En ce moment, nous avons quatorze coupeurs, deux porteurs et deux volants ». Les coupeurs sont payés au Smic horaire, à raison d'environ 8 heures par jour (parfois plus). Les porteurs, qui naviguent constamment entre les rangs pour récupérer les baquets des coupeurs et les vider dans les portoires, et les « volants », qui s'occupent en plus de monter les portoires sur le plateau de la remorque, sont payés un euro de plus à l'heure, car leur travail est plus physique. « Mais pour tout le monde, le dos est mis à rude épreuve ».

Cette équipe qui s'entend « super bien », est pourtant très hétéroclite. C'est d'ailleurs sans doute cela qui en fait tout l'intérêt. « On rencontre des gens très différents, c'est riche ! », confie Christian, salarié agricole habitant le Finistère, qui se déplace peu à peu vers l'est au rythme des récoltes d'échalote, de raisin, de pomme ou de miel...

Martine, quant à elle, est une « locale », qui refait des vendanges après une interruption de plus de 30 ans ! « J'en ai fait dans ma jeunesse, mais après, j'ai été employée de restauration scolaire. Aujourd'hui, 1er septembre, c'est mon premier jour officiel de retraite. C'est agréable de retourner dans les vignes et de voir que je n'ai pas perdu la main ! Et ça permet de gagner un peu d'argent ». Même situation pour Philippe, jeune retraité et « tonton » de Maud, l'épouse du vigneron. « Quand je travaillais, je ne pouvais pas participer aux vendanges. Aujourd'hui, j'en profite, j'aime bien ».

Martine, voisine du domaine, passe son premier jour de retraite officiel, dans les vignes. « Après 30 ans, je n'ai pas perdu la main ». Photo Catherine Perrot.

« On est rustiques, on trouve toujours du boulot »

Deborah, quant à elle, est une pro des vendanges : « Avec elle, on sait que le baquet est toujours vite rempli », soulignent les porteurs. « Je fais des vendanges depuis 7 ans », confirme la jeune femme. Cette année, elle a entraîné « Poch », son compagnon de route et ancien mécanicien auto, chez Fred Lailler : « On vit sur la route, on se déplace pour la récolte des raisins, des pommes, ou pour des saisons touristiques, on trouve toujours du boulot », assure t-elle. « On est très recherchés parce qu'on est rustiques », s'amuse, quant à lui Poch.

« En Beaujolais, ou en Bourgogne, on est mieux payés qu'ici », reconnaît Deborah. Mais pour elle, le tarif n'est pas le premier critère de choix d'un domaine : « J'ai bien aimé l'annonce marrante sur Facebook. Et puis on a vu qu'on pouvait emmener nos chiens, c'est important pour nous ».

Avec ou sans chien, accueillir du monde autour de la cave, en toile de tente, camping-car, ou camion, n'est en effet pas un problème, au contraire, pour Fred Lailler. Lui et Gwen aimeraient d'ailleurs « en faire plus » pour leurs vendangeurs. « On les aime bien, on a envie qu'ils reviennent. On sait qu'on ne pourrait rien faire sans eux... ». Fred et Gwen souhaiteraient notamment leur fournir le repas de midi, comme cela se fait dans d'autres vignobles : « Mais à la cave, on n'a pas les équipements pour cuisiner et un traiteur, cela coûte trop cher ». En attendant une solution, café, brioche, et évidemment, muscadet, sont à volonté... Et cela remporte un succès certain : « On ne compte pas les bouteilles ! ».

Deborah, saisonnière agricole : « Être bien accueillis, cela compte beaucoup ». Photo Catherine Perrot.