Mer Noire : coup de chaud sur les marchés

[Edito] Les cours des grains connaissent un nouvel épisode de forte volatilité dans un contexte de regain des tensions en mer Noire, après la décision de la Russie de ne pas reconduire le corridor maritime sécurisé. Mais l’envolée des prix reste sans commune mesure avec celle de l’an dernier.

Lundi 17 juillet, la Russie a annoncé mettre fin à l’accord sur le corridor maritime en mer Noire permettant à l’Ukraine d’exporter ses céréales. Signé sous l’égide de la Turquie et des Nations Unies, cet accord avait vu le jour il y a tout juste un an afin de garantir un couloir sécurisé pour les navires chargés de céréales ukrainiennes. En jeu : la sécurité alimentaire mondiale, l’Ukraine étant le 5ème exportateur mondial de blé, le 4ème de maïs, le 1er d’huile de tournesol.

En un an, ce corridor a permis l’exportation de 33 millions de tonnes de céréales, dont la moitié de maïs, à destination principalement de la Chine, de l’Espagne, de la Turquie et de l’Italie, mais aussi de nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient.

L’accord avait été prolongé une première fois en novembre 2022 pour une période de 120 jours, puis renouvelé in extremis le 16 mai dernier pour une période de 60 jours seulement, la Russie dénonçant des entraves au commerce de ses engrais et de ses propres céréales.

Au moment de l’annonce du retrait de la Russie le 17 juillet, le marché des grains avait à peine accusé le coup, le blé gagnant seulement 3€/t. Mais depuis, les tensions se sont vivement accrues entre la Russie et l’Ukraine et les frappes se sont intensifiées. Les deux pays ont mis en garde les cargos céréaliers qui s’aventureraient en mer Noire, considérés dorénavant comme des cibles militaires, tandis que les ports ukrainiens d’Odessa et de Tchornomorsk ont été pris pour cible. Selon le ministère ukrainien de l’agriculture, 60 000 tonnes de céréales ont été détruites.

Depuis, les prix ont bondi, le blé ayant gagné 25€/t en trois jours, retrouvant son plus haut niveau depuis avril. Mais, alors qu’en juillet 2022 les prix du blé s’étaient envolés jusqu’à 430 €/t, la fermeture du corridor en mer Noire a de moindres répercussions sur les cours. Depuis le début de la guerre, l’Ukraine a en effet diversifié ses voies d’exportation afin d’être moins dépendante du canal maritime. L’essor du transport fluvial, ferroviaire et routier a permis de réduire la part des produits agricoles ukrainiens exportés par les ports de 90% à moins de 50% pour le début de la campagne 2023-2024.

D’autre part, les regards sont tournés vers les récoltes en cours dans l’hémisphère Nord, qui s’annoncent bonnes pour le blé en Russie et en Europe et pour le maïs au Brésil. En France, la récolte est annoncée à 36 millions de tonnes, en hausse par rapport à la moyenne quinquennale.

Si la géopolitique reste pour le moment l’élément principal d’animation des marchés, le risque climatique pourrait bien revenir sur le devant de la scène dans les prochaines semaines. Moins d’un an après le phénomène météorologique La Nina, c’est El Nino qui devrait faire son retour au deuxième trimestre 2023. Porteur d’un temps plus chaud et sec, le phénomène a tendance à amplifier les effets du changement climatique en Asie-Pacifique, en Afrique du Sud et de l’est et sur le continent américain.