Nette descente en gamme du côté des consommateurs

Les Français aiment la viande, avec des attentes sociétales fortes, mais auront-ils les moyens de se l’offrir ?

Conjoncture – Dans une Europe toujours en économie de guerre, le recul du pouvoir d’achat des consommateurs les plus fragiles est de plus en plus visible. Les personnes qui vont s’approvisionner aux Restos du Cœur ou autres associations de soutien sont de plus en plus nombreuses, avec des profils qui se déplacent vers le monde du travail. De nombreuses personnes avec un emploi n’arrivent plus à boucler leur fin de mois. Leur mode de consommation se restreint au strict nécessaire et la viande est souvent limitée ou absente de leur alimentation. La classe moyenne souffre également, mais elle a plus de liberté dans le choix de conduire leur budget, avec des orientations plutôt flexitaristes. La viande rouge n’est plus une priorité, et surtout la façon de la consommer est de plus en plus orientée vers la viande hachée. Les achats de viande piècée sont le plus souvent réservés pour les week-ends ou les repas festifs.

Les Français aiment pourtant la viande, mais ce produit noble porte trop souvent un fardeau qui n’est pas le sien. La viande bovine ne peut sauver la planète à elle seule, surtout si on prend le modèle français qui valorise l’herbe.

L’activité humaine comme le numérique génère 4% des gaz à effet de serre. Si internet était un pays, il serait le 3e plus gros consommateur après la Chine et les États-Unis. Cependant, il est plus facile de cibler les vaches que nos propres comportements.

L’évolution du comportement des consommateurs est orientée par des modes de pensée écolo responsable et par des lobbys qui font prendre des positions parfois radicales sur l’alimentation des enfants, qui sont les consommateurs de demain. Tout passe par l’éducation, et le monde de la viande passe également par ce tamis.

Dans une société en surchauffe sociale sur la réforme des retraites, et des consommateurs de plus en plus déconnectés du monde agricole, l’inflation génère des choix budgétaires et une baisse en gamme des produits alimentaires. Le plus symptomatique de cette évolution est la déprise des labels. Selon une enquête de Kantar world panel, « 30% des Français considèrent qu’aucun label ne vaut le fait de payer plus cher », et les ¾ des arbitrages des consommateurs se font sur le produit le moins cher. Les attentes sociétales sont fortes, mais les porte-monnaies dirigent.

Du côté de la production, les éleveurs s’interrogent sur leurs orientations de production. La reconversion bio en est un exemple, alors que les viandes restent un marché de niche.

Les industriels de la viande s’adaptent progressivement à la décroissance de l’offre et à aux transformations des modes de consommation. La France a la chance d’avoir le plus gros potentiel de production en veau et en broutard, que nous ne sommes pas en mesure de garder sur notre territoire, par manque de force vive face à des pays comme l’Italie ou l’Espagne qui ont construit leur mode de production sur des importations françaises.

Les industriels français œuvrent pour renationaliser la production de jeunes bovins. Cette filière sera indispensable pour maintenir une autonomie alimentaire en France, car la très forte décapitalisation du cheptel français fait craindre un manque de viande française pour nourrir les populations dans les années à venir. L’appel aux viandes UE est croissant avec un déséquilibre tarifaire qui met en danger nos propres structures. Quant aux importations hors UE, elles restent pour le moment verrouillées par la mobilisation syndicale française, alors que l’Europe se montre plus ouverte à ce sujet.