Pas de miracle économique pour la décarbonation des grandes cultures ?

Terrasolis a réalisé une étude auprès de dix exploitations du Grand Est, concluant à la faiblesse du retour sur investissement de pratiques alliant réduction des gaz à effet de serre et captation de CO2. Un résultat liminaire qui réserve néanmoins des pistes de progrès.

En matière de décarbonation, il est souvent question de la réduction nombre de tonnes de carbone induites par l’adoption de certaines pratiques et du prix de la tonne de carbone susceptible d’être valorisée sur le marché de la compensation volontaire. Le produit du nombre de tonnes et du prix de la tonne aboutit à une somme, constituant potentiellement une nouvelle source de recettes pour les exploitations, tout en les inscrivant dans un processus d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Problème : le changement de pratiques génère aussi des coûts, susceptibles d’oblitérer tout ou partie des gains potentiels.

C’est le constat que vient de faire le pôle d’innovation bas carbone Terrasolis, basé à Châlons-en-Champagne (Marne). « Le potentiel de réduction d’émission de gaz à effet de serre varie entre 0,5 t et 1,5 t équivalent CO2 par hectare, déclare Etienne Lapierre, chargé de mission chez Terrasolis. En intégrant la valorisation du carbone et les coûts induits par les changements de pratiques, le bilan économique ressort négatif dans certaines exploitations ».

Des leviers antagonistes

Réalisée en partenariat par Agrosolutions, l’étude reposait sur la méthodologie d’évaluation Grandes Cultures qui devrait incessamment sous peu recevoir le Label bas carbone (LBC). Le coûts des pratiques oscille dans une fourchette comprise entre 8 et 78 €/ha, ce qui suppose de valoriser les crédits carbone entre 20 et 150 €/ha pour les amortir, une fourchette bien supérieure à celle constatée dans les contrats négociés par exemple par France Carbon Agri dans le secteur de l’élevage, autour de 30 €/t.

"Les curseurs n’ont pas été poussés dans leurs derniers retranchements, ce qui ménage des marges de progrès"

Les exploitations étaient invitées à activer trois leviers que sont les couverts d'interculture, l’introduction de légumineuses dans la rotation et la substitution de la fertilisation minérale par une fertilisation organique. « Les curseurs n’ont pas été poussés dans leurs derniers retranchements, ce qui ménage des marges de progrès, relativise Etienne Lapierre. On a aussi mis le doigt sur le caractère antagoniste de certains leviers. Si par exemple on agit fortement sur la fertilisation minérale, on diminue les émissions mais également le rendement et donc le stock de carbone dans le sol. On a pointé aussi le fait que certains fertilisants organiques avaient des bilans négatifs au stade de leur production ».

Projet Carbon Think

Terrasolis va poursuivre son travail exploratoire en élargissant l’étude à une centaine d’exploitations du Grand Est et en poussant un peu plus loin les leviers. La conduite des couverts interculture réserve des marges de progrès, de nature à maximiser le tonnage de matière sèche à l’hectare en allant un peu plus loin que la seule satisfaction des exigences réglementaires en vigueur. Cependant, l’agronomie ne fera pas tout et l’équilibre économique s’affranchira difficilement d’une valorisation supérieure des crédits carbone générés. Terrasolis lorgne du côté de la Bretagne où une Maec Sols, baptisée Sols de Bretagne, vient d’être mise en place, à l’initiative du Conseil régional et en partenariat avec le fonds d’investissement Livelihoods.

Dans le cadre du projet Carbon Think, Terrasolis va par ailleurs s’inscrire dans une étude dite de réceptivité conduite par l’INRAE et visant à circonscrire le contrat carbone type attendu par les agriculteurs.