Pomme de terre : le zéro phyto pas tout à fait en plan(t)

La filière considère comme un objectif réaliste une trajectoire zéro phyto en pomme de terre. A condition de partir d’un plant sain, encore problématique à produire sans phyto. La recherche active de nombreux leviers pour relever le défi.

« Si l’on avait évoqué, il y a cinq ou dix ans, l’éventualité de produire une pomme de terre sans produits phytosanitaires, je pense que l’on aurait ri au nez. Aujourd’hui, on commence à toucher du doigt cette possibilité et à l’envisager comme une réalité et plus comme un doux rêve ». C’est ainsi que Didier Andrivon, directeur de recherche à INRAE-IGEPP (Institut de génétique, environnement et protection des plantes) concluait le troisième « Carrefour plants de pomme de terre », réunissant 160 experts de la filière.

C’était l’occasion pour les chercheurs de faire un point d’étapes sur le projet InnoPlant. Ce programme de recherche, qui court sur la période 2018-2022, explore tous les leviers pour concourir à la sobriété, voire à l’abstinence phytosanitaire à moyen terme. « Nous sommes dans une phase excitante, avec des capacités drastiques en matière d’innovation. On peut par exemple piloter sa culture à partir de capteurs embarqués sur des drones », s'enthousiasme le chercheur.

Innovations tous azimuts

L’exemple des drones illustre un des volets de la recherche, à ranger du côté des outils numériques, aux côtés des stations météo, des OAD, des tensiomètres, des capteurs de biomasse, des moyens de reconnaissance et d’identification par l’image des ravageurs ou des maladies, servant l’optimisation des applications phytosanitaires (et fertilisantes).

Des produits de biocontrôle s’invitent dans la lutte contre le mildiou, les nématodes ou encore la maladie de la jambe noire, même si des développements complémentaires restent nécessaires.

La génétique est un autre levier. Les sélectionneurs ont identifié des sources génétiques de résistance et montrent que certaines résistances au mildiou demeurent efficaces dans la durée. A plus long terme, ce sont les viroses et les bactérioses qui sont dans leur viseur.

L’AB pas (encore) mention assez bien

La culture biologique fait aussi office d’aiguillon. Le mildiou, le taupin ou encore les virus et le rhizoctone en production de plants sont au cœur de travaux récents ou en cours et permettent d'identifier des leviers pour faciliter la production en AB. Mais la gamme variétale pour l'AB reste réduite et l'approvisionnement en plants biologiques de qualité s’avère parfois compliqué, notamment depuis l’obligation d’utilisation de plants bio en 2020.

"Nous demandons des dérogations en produits phytosanitaires pour produire du plant sain afin que la filière de consommation puisse proposer des pommes de terre sans intrants chimiques"

Le dynamisme des acteurs français de la sélection et des instituts techniques ne suffisent cependant pas, et les travaux sur la connaissance et le développement de variétés adaptées à l'AB manquent encore pour répondre à ces enjeux.

« Nous demandons des dérogations en produits phytosanitaires pour produire du plant sain afin que la filière de consommation puisse proposer des pommes de terre sans intrants chimiques », explique Bernard Quéré, directeur de la Fédération nationale des producteurs de plants de pommes de Terre (FN3PT).

A l’appui de sa requête, la FN3PT indique que les tests Elisa ont écarté 1% de surfaces pour causes de viroses, contre 0,2% à 0,3% auparavant, c’est à dire lorsqu’il existait plusieurs substances contre une seule aujourd’hui.

Le taupin fait aussi des siennes. La certification a été refusée à 16 000 tonnes de plants, engendrant une perte de 18 millions d’euros pour la filière plants.