Produits de biocontrôle et PNPP : les évaluer pour mieux les utiliser

Remplacer les produits phytosanitaires par des produits de biocontrôle ou des PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes) est le souhait de nombreux maraîchers. Si beaucoup de ces produits ont une efficacité réelle sur les pathogènes et les ravageurs, leur usage est plus spécifique, plus complexe. En Loire Atlantique, le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) démarre une vaste évaluation technique de ces produits.

En maraîchage, les produits de biocontrôle ne sont pas réservés aux agriculteurs bio : une enquête récente réalisée en Pays de la Loire a démontré que 88% des maraîchers de la région les utilisaient, et que les 22% restant pensaient en utiliser dans les années à venir.

De la même façon, les PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes, voir encadré plus bas) ne sont pas exclusivement utilisées par des bio (d'ailleurs, toutes ne sont pas bio) ou des jardiniers en « permaculture »  : une grande majorité des maraîchers de la région ligérienne s'y intéressent aussi, en remplacement des produits phytosanitaires.

Un besoin de références

Pour les produits de biocontrôle, comme pour les PNPP, les maraîchers sondés sont très en demande de références techniques et de conseils d'utilisation. Ceux qui les utilisent ont d'ailleurs des avis assez partagés sur leur efficacité : certains les trouvent efficaces, d'autres non.

Pour tenter d'y voir plus clair, un projet de recherche est actuellement porté par l'Arelpal (Association régionale d’expérimentation légumière des Pays de la Loire), avec le concours de nombreux partenaires, dont le centre CTIFL de Carquefou. Ce dernier a évoqué ce projet lors de ses récentes portes ouvertes, le 9 juin dernier, et notamment le criblage qu'il réalise sur plusieurs pathogènes des cultures légumières de la région.

Les PNPP sont testés à différentes concentrations contre différents ravageurs, d'abord en boite de Pétri. Si un effet est démontré, le PNPP sera ensuite testé au champ (photo C.Perrot).

Ce criblage est ambitieux car il teste différentes préparations (par exemple, pour les PNPP, macération, décoction et infusion de plantes), à différentes concentrations et sur différents pathogènes : Pythium, Phoma, Bremia lactucae, Peronospora parasitica, Rhizoctonia et Sclerotinia. Dans un premier temps, les tests se font sur boite de Pétri, et, lorsqu'ils sont concluants, sur les plantes.

Tous les résultats sont loin d'être dépouillés, mais des effets inhibiteurs de certains PNPP sur la croissance et la structure de certains champignons ont déjà été mis en évidence. Les résultats apparaissent toutefois extrêmement variables, en fonction des espèces, mais également des souches de pathogènes. L'usage de PNPP sera donc beaucoup plus complexe et spécifique que celui des produits phytosanitaires : il imposera sans doute d’identifier précisément les espèces et les souches présentes dans chaque parcelle avant de traiter.

Le retour des simples ?

Un autre projet de recherche du même type, également porté par l'Arelpal et conduit au CTIFL de Carquefou, cible cette fois l'effet de produits de biocontrôle et de PNPP sur les pucerons et les altises, deux ravageurs fréquents des cultures maraîchères de la région, contre lesquels les moyens de lutte classique deviennent limitants. Là aussi, un criblage est effectué d'abord dans des bocaux in vitro (test de contact, test de préférence), avant de passer aux essais en parcelles. Les produits efficaces sur les insectes cibles sont également testés sur leurs prédateurs naturels, les auxiliaires de culture, qui, eux, ne doivent pas eux être perturbés.

Fait intéressant : jusqu'à présent, pour leurs PNPP, les chercheurs du CTIFL se fournissaient en plantes séchées auprès d'une pharmacie spécialisée en herboristerie. Mais ils ont décidé récemment de produire eux-mêmes ces plantes : ainsi, au milieu des serres de tomates et des rangées de salades du site expérimental, des plants de bourrache, bardane, origan, achillée, capucine, etc., ont pris place sur une petite parcelle. Leur exemple sera-t-il suivi et va-t-on assister au retour des jardins de simples chez les maraîchers ?

La bourrache a un effet insecticide (photo C.Perrot).

Peu préoccupantes mais complexes !

Sur le principe, tout le monde sait à peu près ce qu'est une préparation naturelle peu préoccupante (PNPP) : ce sont des tisanes, des macérats, des jus élaborés à partir de plantes, qui sont utilisés de façon traditionnelle par les agriculteurs ou les jardiniers pour renforcer les défenses immunitaires des plantes ou pour repousser des bioagresseurs. Le purin d'ortie est le plus célèbre des PNPP.

Toutefois, au niveau de la législation, la notion de PNPP n'est pas facile à appréhender. Déjà, elle n'existe pas en tant que telle au niveau européen : elle a été définie par la loi d'avenir agricole en 2014. Selon cette loi, les PNPP sont de deux sortes : les substances de base et les substances naturelles à usage biostimulant (Snub).

Les substances de base correspondent à une définition européenne et elles sont donc autorisées à ce niveau, avec une procédure simplifiée : c'est une liste de 19 substances, dont la bière, le bicarbonate de sodium, l'écorce de saule, le vinaigre, le sel... Attention, seules 10 de ces 19 substances sont autorisées en AB.

Les Snub ne sont définies qu'au niveau français et doivent nécessairement être évaluées par l'Anses. A ce jour, seules les plantes ou parties de plantes mentionnées à l’article D 4211 du code de la santé publique (environ 200 plantes ou parties de plantes médicinales) sont autorisées. La procédure d'autorisation s'est certes « simplifiée » après la loi Egalim, mais reste toujours relativement complexe.

Un projet d'arrêté visant à simplifier la mise sur le marché et l'utilisation de certaines Snub a été récemment mis en consultation. Il dispenserait d'évaluation par l'Anses les Snub issues de parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine, à condition qu'elles respectent, en plus, des conditions comme un effet biostimulant reconnu par un savoir ancestral ou étayé par des tests, et d'être obtenues par un procédé accessible à tout utilisateur final. Même simplifiée, cette définition semble encore relativement complexe et l'arrêté final n'est pas encore publié.