Produits phytosanitaires : un conseil désormais segmenté

L’ordonnance du 24 avril 2019 met fin au statut de prescripteur-vendeur des distributeurs à compter du 1er janvier 2021. Elle entérine l'accès à un conseil indépendant voué à concilier production, réduction d’usage de produits phytopharmaceutiques et recours à des techniques et produits alternatifs. L’instauration d’un conseil stratégique est le principal fait marquant. Première échéance notable en 2023 pour les agriculteurs. Décryptage.

Le vendeur cantonné à un conseil de sécurité

Lors de la vente d’un produit phytosanitaire, une personne titulaire du certificat individuel pour l'activité « mise en vente, vente des produits phytopharmaceutiques » est disponible pour fournir aux utilisateurs les informations appropriées concernant l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment la cible, la dose recommandée et les conditions de mise en œuvre, les risques pour la santé et l’environnement liés à une telle utilisation et les consignes de sécurité afin de gérer ces risques.

Qu’en est-il des produits de biocontrôle ?

Les produits de biocontrôle (substances naturelles, médiateurs chimiques, macro-organismes et micro-organismes) sont considérés comme des produits phytosanitaires et sont donc exclus du champ du conseil pour les vendeurs.

Conseil stratégique : un diagnostic, un plan d’action

Obligatoire, le conseil stratégique comporte un diagnostic et un plan d’action. Le diagnostic repose sur une analyse du contexte de l’exploitation (types de production, organisation de l’entreprise, enjeux sanitaires et environnementaux) et d’autre part des modes de production (principaux bioagresseurs, stratégie de protection des cultures, identification des produits utilisés susceptibles d’être retirés à court terme ou avec des impacts majeurs sur l’environnement ou la santé). Le plan d’action définit et priorise les leviers permettant de réduire l’usage et/ou l’impact des produits phytosanitaires. Le second conseil stratégique permet de dresser un bilan du déploiement du plan d’actions, d’identifier les difficultés et les facteurs de réussite et de proposer des évolutions.

2 conseils stratégiques espacés de 2 à 3 ans en moins de 5 ans

Les agriculteurs devront se faire délivrer 2 conseils stratégiques par période de 5 ans, avec une période de 2 ans minimum et de 3 ans maximum entre deux conseils C’est à l’occasion du renouvellement du Certiphyto que les justificatifs leur seront demandés

Le conseil stratégique : par qui et pour quand ?

Les organismes de conseil indépendant de la vente de produits phytos, tels que les Chambres d’agriculture, sont habilités à délivrer les conseils stratégiques. Le conseil stratégique ne sera pas exigé pour les agriculteurs appelés à renouveler leur Certiphyto en 2021, en 2022 ou en 2023. En 2024 et 2025, il faudra justifier un conseil stratégique de moins de 3 ans. A compter de 2026, il faudra justifier des 2 conseils stratégiques espacés de 2 à 3 ans en moins de 5 ans. Autrement dit, il faudra procéder à un premier conseil à compter de 2023 pour qui sera concerné par le renouvellement de son Certiphyto en 2026.

L’AB et la HVE exemptées de conseil stratégique

Les exploitations certifiées en bio ainsi que celles en cours de conversion sont dispensées du conseil stratégique pour peu que la certification (ou la conversion) porte sur l’intégralité de l’exploitation. Il en est de même pour les exploitations certifiées Haute valeur environnementales (HVE). Sont également exemptées les exploitations n’utilisant que des produits de biocontrôle et/ou que des substances de base ou des substances à faible risque.

Un seul conseil stratégique pour les petites exploitations

Les exploitations totalisant moins de 2 ha en arboriculture, viticulture, horticulture et cultures maraichères sont soumises à un seul conseil stratégique tous les 5 ans. Pour toutes les autres cultures, le seuil en-deçà duquel un seul conseil stratégique est requis est fixé à 10 ha.

Un conseil spécifique non obligatoire

Le conseil spécifique ou conseil de préconisation à l’utilisation d’un produit phytosanitaire est un dispositif qui existe depuis plusieurs années et qui encadre l’activité de conseil de préconisation entre un technicien/conseiller et un agriculteur pour des besoins ponctuels en saison. Il reste facultatif mais ne peut être délivré que par un organisme de conseil indépendant, comme le conseil stratégique.

Et les CEPP ?

Instaurés en 2016, les Certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP) sont destinés à authentifier des démarches de réduction d’usage de produits phytosanitaires par des actions et produits alternatifs (biocontrôle, variétés résistantes, OAD, matériel de précision, pratiques agronomiques...). A compter du 1er janvier 2021, les organismes de conseil doivent participer au dispositif tandis que les organismes de vente peuvent continuer d’en faire la promotion.

Quid du conseil pour les coopératives et négoces ?

Avec l’instauration d’un conseil stratégique en matière de protection phytosanitaire, les coopératives et les négoces perdent leur statut de prescripteur, qui leur permettait jusqu’à présent de conseiller l’usage de tel ou tel produit et de le vendre dans la foulée. Au 15 décembre 2020, coops et négoces ont dû choisir entre vente ou conseil. Les distributeurs ont très majoritairement conservé l’activité de vente, un fondement de leur « business model ». Pour autant, l’ordonnance du 24 avril 2019 ne concerne que l’usage des produits phytosanitaires. Les autres intrants (semences, engrais, biostimulants...) ne sont pas concernés. L'activité de conseil, hors produits phytosanitaires, reste possible, ce qui préserve le conseil global ainsi que les conseils thématiques (agroécologie, énergie, climat...).