Solidarité Paysans sceptique à l’égard du plan anti-suicide

L’association pointe de nombreux biais et lacunes et estime que la feuille de route ne s’attaque pas aux racines du mal, à savoir le défaut de rémunération et un modèle industriel de développement agricole qui engendre isolement et surcharge de travail.

Le 23 novembre, les ministères de l’Agriculture et de la Santé ont présenté une feuille de route destinée à conjurer le mal-être en agriculture, avec en point d’orgue le suicide quotidien d’un agriculteur, selon les derniers chiffres de la MSA, relatifs à l’année 2015. Il est notamment question de renfoncer les aides financières susceptibles de soulager la charge de travail des agriculteurs et de mieux coordonner l’action des différents acteurs à l’échelon départemental, afin de prévenir, de détecter et d’orienter les agriculteurs en détresse vers les dispositifs de soin et d’aide. « Les associations, comme Solidarité Paysans, sont des acteurs essentiels de cette action collective », salue la feuille de route.

Des amalgames réducteurs, un problème de fond

Une reconnaissance qui n’empêche pas l’association de porter en retour un regard critique sur le plan. « La feuille de route n’est pas à la hauteur des enjeux et ne répond pas aux besoins concrets des agriculteurs en difficulté », réagit Solidarité Paysans dans un communiqué. L’association dénonce notamment les amalgames entre « agriculteur en difficulté économique » et « agriculteur présentant des signes de mal-être » ou encore entre « agriculteur en difficulté économique » et « maltraitance animale », jugé « insultant », et occultant les problématiques de surcharge de travail, d’isolement et de défauts de rémunération. « Le suicide n’est que la pointe émergée de l’iceberg de la souffrance au travail des agricultrices et des agriculteurs, ajoute l’association. C’est la preuve de l’échec du système agricole industriel encouragé depuis les années 1960 par les politiques publiques françaises et européennes ».

Des griefs majeurs

Dans le détail, l’association formule des griefs à l’encontre des cellules d’accompagnement, qui vont se transformer courant 2022 en Comité de pilotage départementaux. « La place des créanciers dans ces cellules n’est pas remise en cause, alors que la question de la confidentialité au sein de ces cellules pointe le problème de leur composition, et le risque d’un partage d’informations entre créanciers, préjudiciable aux agriculteurs », dénonce l’association, critique aussi à l’égard des sentinelles, « en grande partie créancières des agriculteurs ».

L’association dénonce par ailleurs la faiblesse des dispositifs financiers, avec « aucun engagement fort pour soutenir le redressement de l’exploitation, rien sur l’accès à la formation professionnelle des agriculteurs en plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, aucune mesure non plus pour faciliter l’accès aux financements des agriculteurs bénéficiant d’un échéancier de paiement ou d’un plan judiciaire d’apurement du passif ». L’association était aussi en attente d’une mesure concrète pour faciliter dès à présent l’accès des agriculteurs au RSA et à la prime d’activité.

Des avancées tout de même

Solidarité Paysans salue cependant le suivi envisagé après une tentative de suicide, l’accompagnement des familles endeuillées, l’instauration de la prestation décès, la hausse du taux de prise en charge de l’aide financière simplifiée pour adapter le poste de travail, le renforcement de l’aide au répit et l’accès au service de remplacement en cas d’épuisement professionnel.