Stratégie alimentation et climat : les réserves de la profession

La FNSEA et La coopération agricole s’opposent à environ la moitié des recommandations édictées par le Conseil national de l’alimentation en vue de la Stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat (SNANC), qui doit être mise en place au plus tard le 1er juillet prochain.

 « Plus de produits végétaux et de produits bruts, moins de produits animaux ». Pas d’accord. « Modérer l’offre de produits laitiers et carnés ». Pas d’accord. « Assurer une information complète, compréhensible et lisible auprès des consommateurs sur l’impact de l’alimentation sur la santé, la planète et sur le bien-être animal ». Pas d’accord. « Mettre en cohérence les politiques agricoles et alimentaires au niveau national entre elles, ainsi qu’avec les politiques nationales et européennes de protection et de promotion de la santé, de préservation de l’environnement et du bien-être animal ». Pas d’accord. « Accélérer et rendre majoritaire, par l’adoption et l’adaptation des réglementations et financements français et européens, en particulier de la PAC, la transition des systèmes agricoles vers des modes de productions agroécologiques, en particulier biologiques ». « Encadrer et règlementer le marketing et la publicité les produits allant à l’encontre d’une alimentation équilibrée, saine et durable pour protéger les consommateurs et les enfants en particulier ». Pas d’accord. Tels sont quelques-uns des dissensus exprimés par la FNSEA et/ou La coopération agricole (LCA) sur la priorisation des recommandations (ou sur la méthode choisie pour y parvenir) édictées par le Conseil national de l’alimentation (CNA) en vue de la Stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat (SNANC).

Le CNA, le « Parlement de l’alimentation »

Celle-ci doit être mise en œuvre au plus tard le 1er juillet prochain, conformément à l’article 265 de la loi Climat et résilience promulguée en août 2021. Objectifs : instituer une alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, respectueuse de la santé humaine, davantage protectrice de la biodiversité, favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux et garante de la souveraineté alimentaire, ainsi que les orientations de la politique de la nutrition, en s’appuyant sur le Programme national pour l’alimentation (PNA) et le Programme national nutrition santé (PNNS).

« Parlement de l'alimentation », le CNA, chargé d’organiser la concertation entre acteurs de la filière alimentaire et des débats citoyens, avait été été saisi en février dernier par trois de ses ministères de rattachement (santé, environnement, agriculture) pour contribuer à l’élaboration de la future SNANC. Le CNA a identifié 17 objectifs stratégiques pouvant servir de base à l’élaboration de la SNANC, structurés autour de 6 axes (gouvernance, mieux, produire, mieux transformer, mieux distribuer, mieux consommer, recherche), aboutissant à 122 recommandations dont 37 identifiées comme prioritaires. La FNSEA et LCA ont émis des réserves sur 19 d’entre elles.

Les reformulations de la FNSEA et de LCA

Pour être précis, la FNSEA et LCA ne refusent pas en bloc les recommandations précitées mais les reformulent différemment. Concernant la cohérence des politiques nationale et européennes, la FNSEA « partage dans les grandes lignes les objectifs du Green Deal et plus spécifiquement de la Stratégie Farm to fork – qui place parmi ses priorités : la sécurité et la sûreté alimentaire de l’UE, un revenu équitable et un soutien aux producteurs primaires, et la compétitivité de l’agriculture de l’UE au niveau mondial –, elle demeure inquiète vis-à-vis de certains objectifs chiffrés à atteindre d’ici 2030, notamment celui de réduire de 50% l’usage des produits phytosanitaires et de 20% celui des engrais, mais aussi la volonté d’étendre la production biologique à 25% de surfaces cultivables en Europe ». Concernant le verdissement de la Pac, « tous les modes de production doivent être accompagnés, sur le plan financier et opérationnel, vers la transition. Il est primordial de n’en exclure aucun ». Au sujet du rééquilibrage entre produit animaux et végétaux, « il convient de privilégier la notion d’équilibre alimentaire entre produits animaux et végétaux, en lien avec les recommandations nutritionnelles ». Concernant l’étiquetage environnementale, « les dispositifs en question doivent être fiables et reposer sur des socles scientifiques solides et non stigmatisants ».

Les remarques de la CR et de la Conf’

Siégeant également au CNA, la Coordination rurale et la Confédération paysanne ont également fait entendre leur voix. La Conf’ s’est opposée à la recommandation de généraliser le menu végétarien dans la restauration collective et s’est dite « favorable à des menus diversifiés de produits de qualité ancrés dans les territoires, une portion viande adaptée, une augmentation des végétaux, et à une réduction de la consommation de produits transformés pour assurer la durabilité des régimes alimentaires ». Concernant l’affichage environnemental, le syndicat estime que « ses critères ne peuvent se limiter aux émissions de GES et devraient aussi prendre en compte l'effondrement de la biodiversité, la diversité des paysages, la qualité de l'eau et de l'air et le revenu paysan afin d'assurer le renouvellement générationnel ».

De son côté, la Coordination rurale est contre la recommandation s’alignant sur les objectifs du Green deal en termes de réduction d’intrants et d’impacts. Sur la question de la régulation et de la préservation foncières, la CR estime « qu’assurer des prix rémunérateurs est le moyen le plus efficace de lutter contre le gaspillage du foncier agricole ». Si la gestion du foncier agricole doit rester sous compétence de l’agriculture et des agriculteurs, la CR demande cependant l’ouverture de la gouvernance de la Safer.