L’alcool tu

Les techniques de vinification et le changement climatique engendrent une élévation problématique du taux d’alcool des vins. Des vignes à la cave, plusieurs pistes permettent de faire taire en partie le degré, sans dénaturer le vin et sans désorienter les consommateurs.

Le degré d'alcool des vins élaborés en France est orienté à la hausse. Ce constat est dressé par l'INRA, qui estime que sur les vingt dernières années, la teneur en alcool des vins a augmenté de deux degrés. Conséquence : il n'est pas rare aujourd'hui d'acheter des vins à 14 ou 15% vol. Deux phénomènes principaux expliquent la montée en alcool des vins. Le premier tient à l'évolution du climat. L'augmentation sensible des températures enregistrée dans certains vignobles génère une production de raisins plus riches en sucre au final plus riche en alcool. Le second réside dans la quête de niveaux de maturation plus élevés, générateurs de caractéristiques plus évoluées aux plans de la densité, de la couleur et des tanins. Cette élévation du degré d'alcool va à l'encontre des objectifs de santé publique tout en étant déconnectée d'objectifs sensoriels, la molécule d'éthanol entrant en interaction avec les molécules aromatiques. Qui plus est, à l'export, certains pays appliquent des taxes sur le degré d'alcool.

VDQA : les Vins de qualité à teneur réduite en alcool

L'alcoolisation croissante des vins n'est pas une fatalité. Elle est du reste prise en compte par la législation qui, depuis 2009, autorise les techniques de réduction d'alcool jusqu'à 2% vol sans modifier l'étiquetage. Plusieurs leviers d'actions sont possibles tout au long de la chaîne d'élaboration du vin. A la parcelle, l'INRA a mis au point quatre variétés de cépages (deux rouges et deux blancs) dont la teneur en sucre à maturité correspond à 10% vol d'alcool potentiel. Des recherches qui s'inscrivent dans des démarches de mise au point de VDQA : les Vins de qualité à teneur réduite en alcool. Des techniques culturales telles que la taille sont également susceptibles de réduire la teneur en alcool du vin.

Effeuillage et écimage : - 0,6 à 0,7% vol.alc.

L'Institut français de la vigne et du vin (IFV) a peut-être mis au jour un autre levier, consistant à réduire la surface foliaire, de façon à juguler l'activité photosynthétique et à ralentir l'accumulation de sucres dans les baies. L'expérimentation a porté sur deux cépages que sont le Gros Manseng et le Tannat, constitutifs de l'AOC Saint-Mont (Gers). Deux pratiques ont été mises en œuvre pour réduire de 30% environ la surface foliaire totale : un écimage de 50 cm sur la partie supérieure du feuillage ou bien un effeuillage ciblant les jeunes feuilles actives de la partie distale de la vigne. L'essai, conduit pendant deux ans au stade mi-véraison, incluait un témoin ainsi qu'une modalité recevant un anti-transpirant. Ce dernier s'est avéré sans effet sur la réduction d'alcool. L'effeuillage a induit des taux de sucres significativement inferieurs de 0,7% vol.alc comparativement aux témoins, qui affichaient des taux d'alcool de 14,35% vol.alc pour le Gros Manseng et de 14,20% vol.alc. pour le Tannat. L'écimage est presque aussi performant que l'effeuillage et aboutit à une baisse du degré́ probable de 0,6 % vol.alc. Aucune différence de rendement n'a été observée entre les modalités à la récolte. Un léger impact est en revanche noté sur l'acidité́ et les polyphénols du vin. A la dégustation, aucune différence significative n'a pu être mise en évidence. Par rapport au témoin, les modalités écimage et effeuillage présentent les mêmes caractères végétaux au nez et aucune différence d'astringence, d'acidité́ d'amertume et de maturité́ du fruit en bouche.

Qualités organoleptiques préservées

Au chai, plusieurs techniques sont développées : fermentation du moût dilué avec du vin sans alcool, traitement du moût par ultra-filtration et nano-filtration, désalcoolisation sur vin fini. L'INRA a mis au point une levure œnologique modifiant le métabolisme des sucres et réduisant la teneur en alcool du vin de 1,3% vol. Selon l'Institut, la réduction d'alcool dans un vin titrant initialement 13 à 14% vol n'est pas perceptible tant qu'elle reste inférieure à 3% vol. Lorsqu'elle est perçue, la réduction d'alcool induit toujours une diminution de la sensation de chaleur et de la persistance du vin. Dans le cas des vins rouges, on observe parfois une diminution de l'amertume au profit de l'astringence. Dans le cas des vins blancs, c'est soit l'acidité, soit l'amertume qui augmente. D'un point de vue aromatique, les vins sont moins puissants, mais cela laisse parfois la place à la dominance de notes fruitées en fin de bouche. Une enquête auprès de plus d'un millier de personnes a montré que la teneur en alcool perçue ou attendue d'un vin de qualité se situe entre 10,5% vol et 13% vol pour les rouges et entre 9,5% vol et 12% vol pour les blancs et les rosés. En dégustation à l'aveugle, les consommateurs français apprécient autant les VDQA que les vins de base jusqu'à 3 % vol d'alcool retiré mais ils les déprécient quand ils en ont connaissance. A l'aveugle, les professionnels du vin déprécient les VDQA dès une réduction de 2% vol d'alcool, invoquant une perte de complexité. En France, plusieurs opérateurs proposent d'ores et déjà des vins à faible teneur en alcool, certains poussant le bouchon jusqu'au 0°. Ou l'alcool tué.