ZNT : la FNSEA prend ses distances avec l’Etat

[Edito] L’action du 14 décembre devant le Conseil d’Etat tranche avec l’accointance du syndicat majoritaire pour la politique agricole gouvernementale. A moins qu’en l’espèce, la FNSEA ne se soit mue en lanceur d’alerte.

Le 14 décembre au petit matin, environ 300 agriculteurs ont manifesté devant le Conseil d’Etat, un lieu interdit à toute manifestation. Celle organisée par la FNSEA Grand Bassin Parisien et les JA Ile-de-France était de fait non déclarée. Les manifestants, qui n’ont commis aucune dégradation, ont été rapidement dispersés mais environ 70 d’entre eux ont tout de même passé une partie de la journée en garde à vue.

Les agriculteurs entendaient dénoncer la décision du Conseil d’Etat relative aux Zones non traitées (ZNT), remettant en cause l’arrêté et le décret du 29 décembre 2019 concernant la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytos.

Du principe de précaution au principe d’inaction

S’appuyant sur une recommandation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), le Conseil d’Etat exige que la distance minimale entre les habitations et les zones d’épandage soit portée de 5 mètres à 10 mètres pour les produits classés CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) en cultures basses (céréales, légumes...). Cette injonction vaut pour tous les CMR, indépendamment de leur caractère avéré, présumé ou suspecté, ce qui fait dire à la FNSEA que le principe de précaution s’est mû en principe d’inaction.

Du point de vue des ZNT, la réglementation actuelle ne fait pas le distinguo entre les produits classés et non classés CMR. Elle liste tout de même une série de produits affichant une mention préoccupante pour lesquelles la ZNT est de 20 mètres incompressibles. Pour mémoire, les cultures hautes se voient appliquer une ZNT de 10 mètres.

Des ZNT probablement revues à la hausse

Ce n’est pas tout. Le Conseil d’État estime que les chartes d’engagements d’utilisation doivent prévoir l’information des résidents et des personnes présentes à proximité des zones d’épandage en amont de l’utilisation des pesticides. Rappelons que les chartes permettent de réduire les ZNT de 10 mètres à 5 mètres et de 5 mètres à 3 mètres moyennant la mise en œuvre de techniques limitant la dérive. Enfin, le Conseil d’Etat juge que la réglementation doit inclure des mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité d’une zone d’utilisation de pesticides, ce que la règlementation en vigueur ne prévoit pas.

Vu les injonctions du Conseil d’Etat, on voit mal comment des ZNT de 10 mètres ne vont pas s’imposer aux CMR, comment les chartes ne vont pas voler en éclat et comment les ZNT ne vont pas inclure les lieux de travail, en plus des lieux d’habitation. L’échéance approche, le gouvernement ayant jusqu’au 29 janvier 2022 pour réécrire son arrêté. D’où l’alerte de la FNSEA et des JA. Mais la juridiction administrative qu’est le Conseil d’Etat n’est pas le ministère de l’Agriculture.