Un couvert de légumineuse peut-il améliorer les performances des cultures ?

Depuis quatre ans, un essai conduit par l’AREP* étudie les effets d’un couvert semi-permanent de trèfle blanc sur la nutrition azotée des cultures principales. Philippe Hauprich, ingénieur régional de la station expérimentale Arvalis de Châlons-en-Champagne, dresse un premier bilan.

Perspectives Agricoles : Quels sont les objectifs de cet essai de longue durée ?

Philippe Hauprich :  Mené depuis 2016 à Poix (51) dans le cadre du projet CP-LEG**, il vise à mesurer l'impact d'un couvert de trèfle blanc sur le rendement et la qualité des cultures d'une rotation « colza-blé tendre-orge de printemps-betterave-blé tendre », en fonction de la durée de vie du couvert (1, 2 ou 3 ans). Objectif : quantifier les effets de la restitution de l'azote atmosphérique capté par le trèfle, mais aussi celui de la concurrence de ce couvert.

P. A. : Comment sont évaluées les performances du couvert sur les cultures ?

P. H. : Les essais sont conduits par des agriculteurs avec leurs matériels sur 5 ha et évaluent la faisabilité technique de ces pratiques. En complément, des micro-parcelles avec des doses croissantes d'azote sont mises en place afin de déterminer la dose d'azote optimale, et les gains ou pertes de rendement et de qualité. On compare les parcelles avec et sans trèfle. Le témoin sans trèfle est conduit en travail du sol simplifié, et, pour les modalités avec trèfle, on fait appel au semis direct uniquement lorsqu'on souhaite maintenir le trèfle vivant.

P. A. : Quel est le bilan de ces premières années ?

P.H. : L'effet du trèfle sur le rendement du colza est « neutre ». Les essais ont souligné la difficulté d'implanter un trèfle lors du semis du colza. Un re-semis de trèfle en mars a été nécessaire. Le trèfle s'est bien développé durant l'interculture pour atteindre 1,5 à 2 t MS/ha avant le semis du blé suivant, soit l'équivalent de 30-40 kg d'azote capturé/ha. Quand le trèfle a été détruit en sortie d'hiver, le blé a perdu 4 à 5 q/ha et gagné 0,2 à 0,3 point de protéines. Dans la modalité où le trèfle a été maintenu vivant, un défaut de régulation au printemps a fait perdre 19 q/ha et 0,3 à 1 point de protéines.

P. A. : Qu'en est-il de l'orge de printemps ?

P.H. : Le trèfle s'est à nouveau bien développé durant l'interculture blé-orge, sa biomasse atteignant environ 2 t/ha (soit environ 50 kg d'azote capturé/ha). Contrairement au blé, l'orge de printemps a largement bénéficié de la présence du couvert de trèfle. Quand celui-ci a été détruit dans le blé en sortie d'hiver, un « arrière-effet » positif a été observé dans l'orge : +3 à +5 q/ha de rendement et +0,2 à +0,4 point de protéines. Quand le trèfle a été détruit avant l'implantation de l'orge, ces gains ont atteint 10-12 q/ha et 0,2 point de protéines. À noter : les « arrière-effets » positifs constatés sur betterave l'année suivante, après destruction du trèfle dans les cultures précédentes : +5 à +10 t/ha !

P. A. : Quelles sont les contraintes d'un tel système ?

P.H. : Il n'est pas simple à mettre en œuvre. La réussite du semis du trèfle peut s'avérer parfois délicate. Et pour obtenir des effets positifs, il est impératif de bien réguler puis détruire le couvert afin qu'il ne concurrence pas la culture, ce qui s'avère parfois difficile, l'effet des herbicides et du travail du sol pouvant être très variable.

* L'AREP (Association Régionale pour l'Étude des Productions végétales) a été créée en 1976 et regroupe l'ensemble des acteurs agricoles champenois : coopératives, chambres d'agriculture, négoces, betteraviers et instituts techniques.

** Le projet CP-LEG (Couverts semi-Permanents de LEGumineuses) a débuté en 2016 et étudie les moyens de déplafonner les rendements et d'améliorer le bilan carbone des exploitations grâce à des couverts captant l'azote de l'air.