[Innov-agri] L’agroéquipement passe du rouge à l’orange

Le millésime 2017 n’effacera pas totalement les affres de l’an passé. Les constructeurs entrevoient cependant la reprise, boostée par l’innovation. Mais les trésoreries restent fragiles et les agriculteurs rationalisent toujours davantage leurs investissements.

« 2017 restera un exercice difficile pour la filière agroéquipement. La tendance est prometteuse au quatrième trimestre mais elle ne compensera pas l'orientation négative des trois premiers ». Ainsi s'exprimait David Causse, président de Same-Deutz-Fahr France, dans les allées d'Innov-Agri grand Sud-Ouest, 7ème édition du nom. En cause : le cataclysme de la moisson 2016, dont l'onde de choc a perduré jusqu'au printemps dernier. Depuis, les céréaliers se sont en partie rassurés avec un retour à la normale côté rendements et qualité. Sauf que la troisième variable, à savoir le prix, ne suit pas. « La conjoncture reste compliquée en grandes cultures, compte tenu du prix des céréales », souligne Sébastien Vallas, responsable marketing chez John Deere France. « En polyculture-élevage, en revanche, le besoin de renouveler le matériel se fait sentir et soutient l'activité ». 

Après les céréales, la vigne pénalisée

Pour les moissonneuses-batteuses, dont les comptes sont soldés au 31 août, le verdict est déjà tombé. « Les immatriculations ont chuté de 40 % », affirme Jean-Noël Louis, directeur marketing de Claas France. « Côté ensileuses, on s'achemine vers une baisse de 10 %. En ce qui concerne les tracteurs, nous anticipons un recul de de 10 à 12 % des immatriculations au terme de l'exercice 2017, recul auquel n'échappera pas le secteur vigne-arbo ». La vigne, c'était jusqu'à présent le secteur préservé mais le millésime 2017 sera ce que la moisson 2016 a été aux céréales, à savoir la plus mauvaise depuis des lustres, 1945 précisément pour la vigne, avec une production attendue en baisse de 18 % par rapport à 2016. « En dépit des aléas climatiques, le secteur viticole reste porteur », se rassure David Causse.

L'export à la rescousse

Depuis bientôt 10 ans, les constructeurs sont coutumiers des soubresauts de marché, qui passent de records à la hausse et à la baisse en l'espace d'une campagne ou presque. Fort heureusement, les dynamiques de marché, susceptibles de varier d'un pays à l'autre, ont pour effet de tamponner les excès et de ménager ainsi les capacités d'adaptation des usines. Du côté des constructeurs français, dont le tropisme est encore très fortement orienté sur le marché national, l'export joue un rôle doublement salvateur. « L'export constitue bien évidemment un levier de croissance », relève François-Xavier Janin, chef produit grandes cultures chez Berthoud. « C'est aussi le moyen des déjouer des fluctuations très fortes de marché comme nous en connaissons depuis quelques années en France ». 

Chez Berthoud, la part de l'export oscille actuellement autour de 50 %. Chez Sulky, l'export dépasse aujourd'hui les 30 %. « Notre part de marché à l'export progresse régulièrement », déclare Stéphane Billerot, directeur commercial et marketing. « L'export et la multiplicité des marchés qu'il concerne participent à lisser notre chiffre d'affaires d'une campagne à l'autre ».

Les concessionnaires en première ligne 

En prise avec des marchés de proximité, les concessionnaires ne bénéficient pas des mêmes effets amortisseurs. Et quand le suramortissement s'en mêle, il faut dégager des trésors de flexibilité pour gérer des afflux de commandes de matériels neufs qui génèrent autant de matériels d'occasion, éventuellement surcotés, avant que le soufflet ne retombe et ne laisse place à une réalité économique implacable, à savoir des cours trop faibles annihilant toute capacité d'investissement. « Nous avons travaillé main dans la main avec le réseau pour l'accompagner au mieux dans cette période compliquée », affirme Sébastien Vallas. « De notre côté, nous n'avons pas gonflé les stocks de matériels neufs tandis que nos concessionnaires ont fait preuve d'une grande maîtrise de gestion, notamment dans l'évaluation des reprises ».

Des investissements rationnels

Gestionnaires, les agriculteurs le seraient aussi de plus en plus à écouter les constructeurs. Finis les achats impulsifs à la moindre embellie des cours ? « Je pense que les agriculteurs ont appris des fluctuations et des inversions de conjoncture », estime Stéphane Billerot. « Ils sont beaucoup plus prudents et rationnels dans leurs achats ». « Le déploiement de nouvelles technologies serait de nature à engendrer des décisions d'investissement mais on sent les agriculteurs attentistes », renchérit François-Xavier Janin. L'innovation demeure en effet un élément déclencheur mais pas suffisant pour soutenir seul le marché. Et si ce dernier reste contraint, chaque constructeur rêve de s'en octroyer une part plus importante. « Maschio-Gaspardo est clairement sous-représenté dans le marché français », analyse Michel Schietequatte, directeur de la filiale française. « Je vois dans l'amorce de la reprise une grande opportunité et un vrai potentiel de croissance pour nos gammes de produits à la faveur de leur rapport qualité / compétitivité ».