3 milliards d'euros par an : le coût du changement climatique pour la ferme France

C’est l’ordre de grandeur figurant dans un rapport du CGAAER, qui donne dix ans à la ferme France pour s’adapter, au risque de perdre en compétitivité et en souveraineté alimentaire. La parade réside dans la recherche, le diagnostic individualisé par exploitation et la mise en œuvre des leviers d’adaptation et plus seulement d‘atténuation.

Un milliard d’euros par an lié à l’eau, un autre milliard d’euros dû à l’augmentation des aléas, 600 millions d’euros par an pour renouveler le verger, 150 millions d’euros et 39 millions d’euros par an pour massifier le conseil respectivement auprès des installés et des nouveaux installés : tels sont quelques-unes des charges financières imputables au changement climatique et figurant dans un rapport du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER). La somme n’aboutit pas aux 3 milliards d’euros évoqués car la mission « n’a pas pu quantifier tous les surcoûts ». A titre indicatif, elle évoque l’impact des plantes invasives, compris entre 1,2 et 10,6 milliards d'euros sur la période 1993-2018, citant une étude du CNRS (avec l’université Paris-Saclay, Muséum national d'histoire naturelle et université de Rennes 1), même si le phénomène n’est pas totalement imputable au changement climatique. Et puis il faut aussi compter avec les manques à gagner liés à la dépréciation des rendements.

L’adaptation en retrait sur l’atténuation

Selon la mission, la prise en compte du changement climatique relève de l’urgence. « Si on a pu considérer que le changement climatique pouvait s’envisager sur le temps long, ce n’est plus le cas : l’adaptation doit se réaliser dans les 10 ans à venir sous peine de perte de compétitivité́ de l’agriculture française et de perte de souveraineté́ alimentaire de la France », relève-t-elle. Elle critique ainsi en creux la prééminence accordée jusqu’à présent aux leviers d’atténuation (baisse des émissions, fixation du carbone, Paiements pour services environnementaux...). « Le volet adaptation au changement climatique et les coûts induits par cette adaptation, est moins évoqué par les politiques publiques alors qu’il est pourtant incontournable et interroge directement la technicité, le savoir-faire et la capacité à agir de l’agriculteur soumis en permanence à la gestion des aléas climatiques », lit-on dans le rapport.

Les enseignements du Varenne de l’eau et des diagnostics territoriaux

Cependant, le rapport estime que les filières et les territoires se sont largement emparés du sujet, avec pour les premières les contributions du Varenne de l’eau et du changement climatique, inspirées notamment de différents programmes de recherche (Laccave, Climalait et Climatviande...), et pour les seconds les diagnostics territoriaux diligentés par les Chambres d’agriculture, en partenariat avec les Régions. « Si les domaines de coûts sont bien identifiés comme la recherche-développement-transfert- formation, les investissements d’adaptation (eau-irrigation, bâtiments, sécurisation fourragère, amélioration génétique...) ou encore l’assurance récoltes, les montants et leur répartition (financement par l’agriculteur ou financement public) sont en revanche très peu précisés ni quantifiés », pointe le rapport.

Des leviers financés, d’autres pas encore

Au chapitre des leviers d’adaptation d’ores-et-déjà pris en compte par les politiques publiques figurent les outils de l’agroécologie (ACS, diversification, légumineuses SIE, agroforesterie...), l’amélioration génétique des espèces animales et végétales ou encore la recherche, l’expérimentation, la formation. Le CGAAER identifie un second groupe de leviers qui vont générer des surcoûts importants à la fois pour l’agriculteur et pour les finances publiques, à savoir le système assurantiel avec des restes à charge qui augmentent, liés à des fréquences plus rapprochées des sinistres et des intensités plus fortes des aléas climatiques ou encore la sécurisation de l’eau avec des investissements d’équipements nouveaux visant l’irrigation résiliente avec des coûts supplémentaires de fonctionnement. La mission pointe également la massification d’un conseil stratégique d’exploitation agricole axé sur le climat, nécessaire pour « faire entrer les enjeux climatiques dans les exploitations », avec le couplage des diagnostics « carbone » axé d’une part sur l’atténuation et « vulnérabilité-adaptation » et d’autre part sur l’adaptation, indispensable pour revalider les itinéraires techniques, les adapter en procédant aux investissements nécessaires et aux modifications de pratiques.

Rechercher, diagnostiquer, accompagner

Pour affronter le défi de l’adaptation, le CGAAER formule trois recommandations, à commencer par la poursuite de la recherche-développement par les instituts de recherche et les instituts techniques et la valorisation de leurs travaux sur la vulnérabilité et la résilience des productions agricoles. La mission plaide pour une massification du conseil stratégique en couplant les diagnostics « vulnérabilité » et « atténuation », moyennant des soutiens financiers publics (PNDAR, Plan de relance, PIA4...). Le CGAAER fixe la toise à 50.000 diagnostics annuels auxquels s’ajoutent 13.000 diagnostics ciblant les nouveaux installés. La puissance publique est également sollicitée pour activer le troisième levier, à savoir l’accompagnement des agriculteurs dans la mise en œuvre des plans d’action établis dans les diagnostics individuels.