AB et Conservation du sol : Arvalis en quête du Graal

L’Agriculture biologique de conservation (ABC) du sol est encore une chimère. Arvalis ne désespère de décrocher le Graal, du nom du projet Casdar qui va jauger la faisabilité et la multi-performance d’un couvert permanent de légumineuse en inter-rang d’une culture principale.

Mauvaise nouvelle : l’agriculture de conservation en bio, ménageant des couverts permanents et vivants, cela ne marche pas. C’est Régis Hélias, ingénieur et animateur de la filière AB chez Arvalis qui l’affirme. On n’a évidemment aucune raison d’en douter, surtout lorsque l’on observe les adeptes de l’agriculture de conservation des sols s’escrimer à s’affranchir du dernier litre de glyphosate, pas forcément pour basculer en bio, mais au minimum pour se prémunir d’un éventuel retrait de la molécule.

Bonne nouvelle : la partie n’est pas perdue. Depuis 2015, Arvalis teste un nouveau système cultural, intercalant un rang sur deux une culture de rente annuelle (blé, blé dur, avoine, tournesol, colza de printemps semé à l’automne), dans une légumineuse permanente de service (luzerne, lotier, sainfoin, trèfle violet). La technique consiste à assurer la croissance inversement proportionnelle de la légumineuse et de la culture jusqu’à la récolte de celle-ci, après quoi la légumineuse est invitée à prendre ses aises jusqu’à l’émergence de la culture suivante. Tout sauf une formalité mais que le constructeur Eco-Mulch a résolue, au moyen d’une faucheuse inter-rangs, assortie d’un robuste système de téléguidage RTK.

Eco-Mulch a conçu un porte-outils apte à réaliser de multiples façons mécaniques et thermiques inter-rang
Eco-Mulch a conçu un porte-outils apte à réaliser de multiples façons mécaniques et thermiques inter-rang

Rendements, qualité et co-bénéfices

Arvalis dispose d’un recul de quelques années sur une parcelle de 5000 m2, qui a vu le rendement blé passer de 13,6 q/ha à 40 q/ha en l’espace de trois campagnes. « Ce système implique un raisonnement à l’opposé de nos réflexes d’agronome », explique Régis Hélias. Dans ce schéma, il faut commencer par la culture la moins exigeante pour laisser à la luzerne le temps de constituer de la biomasse et de restituer de l’azote ». Sous l’angle de la qualité des récoltes, le système s’en sort plutôt bien. « On a réussi à atteindre les objectifs demandés en meunerie bio et en semoulerie bio s’agissant du blé dur, sans aucune fertilisation organique. Quand on connait la problématique de la fertilisation en bio, sa disponibilité, son coût et son efficience toute relative, la technique mérite que l’on s’y intéresse ».

Le projet Graal va permettre à Arvalis de tester le système sur la durée (2021-2025) et dans plusieurs contextes pédo-climatiques
Le projet Graal va permettre à Arvalis de tester le système sur la durée (2021-2025) et dans plusieurs contextes pédo-climatiques

Projet Graal

Arvalis vient justement de décrocher un projet Casdar, qui va permettre à l’institut de tester le système sur la durée (2021-2025) et dans plusieurs contextes pédo-climatiques, au sein de cinq stations expérimentales et de six observatoires périphériques. Le premier objectif consistera à évaluer la faisabilité et les services rendus aux plans agronomique (rendements, qualité, gestion des adventices, fertilisation azotée, fertilité des sols) et environnemental. Le projet permettra notamment de mieux qualifier les espèces et les variétés les plus adaptées. La dimension économique ne sera pas occultée. En Lorraine, l’expérimentation participera la reconnexion entre élevage et grandes cultures grâce à l’exploitation fourragère de la luzerne. « On ouvre tout un champ de possibles », estime Régis Hélias. Le projet suscite l’intérêt de nombreux agriculteurs. Je reçois au moins un appel par jourset notre page Facebook Arvalis Couverts permanents bio est consultée dans une vingtaine de pays à travers le monde ».

Parmi les écueils figurent les risques sanitaires inhérents à la luzerne, limitant le système à une partie de l’assolement. A noter que le retour d’une même culture deux années successives (le blé en l’occurrence), interdit en bio, bénéficie d’une dérogation, du fait de la présence d’une culture associée. Puisse le projet Graal déboucher sur un ABC de l’ABC.