Les trois écueils des couverts permanents fauchés, l’ACS en mode bio

Des luzernes trop productives, des systèmes de guidage trop imprécis et une potentielle inadaptation aux cultures de printemps : telles sont les trois limites identifiées dans le projet de recherche Graal, coordonné par Arvalis, qui vise à maitriser, en agriculture biologique, les couverts permanents vivants, autrement dit l’Agriculture de conservation de sols (ACS).

Couverture du sol, diversification de l’assolement, compétition avec les adventices, apport de carbone et d’azote dans le cas d’implantation de légumineuses, limitation du phénomène d’érosion et, en interculture, des phénomènes de lixiviation des éléments nutritifs : les bénéfices des couverts végétaux permanents vivants, autrement dit de l’agriculture de conservation des sols (ACS) ne sont plus à démontrer. Sauf qu’en bio, la maitrise desdits couverts s’avère beaucoup plus délicate qu’en conventionnel, au point de pénaliser la culture de rente, sous l’effet de la concurrence pour les éléments nutritifs, l’eau et la lumière. C’est tout l’objet du projet de recherche Graal (2021-2026), coordonné par Arvalis, axé sur la gestion sans travail du sol et sans herbicide d’un couvert permanent vivant de légumineuse par fauchage en inter-rang d’une culture principale.

Au dernier Tech & Bio, Bionalan a présenté un porte-outils (au premier plan) apte à faucher les couverts inter-rangs (Crédit photo : R. Lecocq)
Au dernier Tech & Bio, Bionalan a présenté un porte-outils (au premier plan) apte à faucher les couverts inter-rangs (Crédit photo : R. Lecocq)

Des luzernes un peu trop fourragères

A mi-parcours, le projet Graal, développé sur cinq plateformes d’essai distinctes, a d’ores-et-déjà livré quelques enseignements. « Des différentes espèces de plantes services testées que sont le lotier, la luzerne, le sainfoin et le trèfle violet, la luzerne s’avère être la meilleure candidate, indique Régis Hélias, ingénieur et animateur de la filière agriculture biologique chez Arvalis. Un axe de recherche consiste à explorer la diversité génétique de l’espèce, que la sélection a orientée vers des variétés fourragères, produisant beaucoup de biomasse à des stades précoces. Pour un usage tel que les couverts permanents fauchés, il faudrait pouvoir miser sur des variétés dormantes dont la croissance s’activerait après la récolte de la culture de rente ». Cette piste est explorée dans un travail de thèse mené par la station INRAE de Lusignan (Vienne) et indirectement dans le projet de recherche BbSoCoul, centré sur la production de blé dur sous couvert de luzerne.

Le défi de l’ultra-précision du guidage

En attendant, la maîtrise du couvert inter-rang est assurée mécaniquement par le passage d’un matériel dédié, en l’occurrence le porte-outils Gaïa d’Eco-Mulch, capable d’assurer la fauche au moyen de disques rotatifs, plus adaptés que des mini-rouleaux Faca. Au dernier Tech & Bio, Bionalan a présenté l’esquisse d’un matériel lui aussi dévolu à la fauche de couverts inter-rangs.

Ces équipements exigent cependant un très haut niveau de précision en terme de guidage, dans l’espace et dans le temps, compte tenu de la répétitivité des passages au fil de la rotation. « Il est capital de traduire la précision captée au niveau de l’antenne au niveau des pièces travaillantes, explique Régis Hélias. Or, il existe un certain nombre d’interférences, que nos techniciens parviennent à déjouer, mais sur lesquelles les agriculteurs peuvent buter parce qu’une telle exigence de précision demeure encore en partie inédite dans bon nombre d’itinéraires culturaux et parce que le paramétrage des liaisons tracteur-outils, par les constructeurs et par les concessionnaires, reste perfectible ». Cette lacune se fait particulièrement sentir dans les parcelles en pente, qui se trouvent être les plus sensibles au risque d’érosion.

Une partie de la solution

Un troisième facteur limitant, beaucoup plus problématique, réside dans le fait que la technique s’avère, à ce stade de la recherche sur les cinq plateformes d’essai, inadaptée aux cultures de printemps. Ce qui fait dire à Régis Hélias que « les couverts permanents fauchés sont une des solutions mais pas la solution ultime à la quête de conservation des sols en agriculture biologique ». Sans pour autant le désarmer. Les travaux menés par Arvalis font des émules en Belgique (Gembloux Agro-Bio Tech) et nombre d’observateurs internationaux s’enquièrent de la technique sur un groupe WhatsApp ou encore sur la page Facebook dédiée aux couverts permanents fauchés, sans compter en France quelques agriculteurs pionniers, dont certains recourent à l’auto-construction.