Lac de Caussade : prison requise contre des dirigeants de la Chambre d'Agriculture

Plusieurs mois de prison ont été requis contre deux dirigeants de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne jugés pour la construction illégale d'une retenue d'eau à fin d'irrigation, un ouvrage que des associations de défense de l'environnement contestent depuis deux ans.

Le 3 juillet à Agen, le parquet a demandé 9 mois de prison pour Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne, et 8 pour Patrick Franken, son vice-président et ex-président de la Coordination rurale (CR). Cinq ans de privation des droits civiques et une amende de 5 000 euros ont également été requis contre les deux hommes, que quelque 200 militants de la CR, accompagnés de vaches et de tracteurs, étaient venus soutenir devant le palais de justice.

Contre la Chambre d'agriculture, personne morale, le parquet a demandé 40 000 euros d'amende et la remise en état du site. Le délibéré est attendu le 10 juillet.

Situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Villeneuve-sur-Lot, le lac de Caussade a été construit sur 20 hectares par des agriculteurs désireux d'irriguer leurs exploitations en saison sèche, malgré 4 arrêtés préfectoraux et 5 procédures devant le tribunal administratif initiées par des associations de défense de l'environnement dont France Nature Environnement (FNE).

"Dans l'histoire de la justice française, c'est un cas tout à fait exceptionnel. Aucun établissement public administratif n'a violé les lois aussi délibérément et avec un tel aplomb. Ce sont des délinquants environnementaux", a déclaré Me Alice Terrasse, avocate de FNE. Selon elle, l'ouvrage est en outre "dangereux pour la sécurité du public d'après plusieurs études". Les quatre associations parties civiles réclament près de 100 000 euros de dommages et intérêts.

Pour la procureure de la République, les travaux ont non seulement été effectués "au mépris des règlements et de la nature mais également au mépris de la vie et de la santé d'autrui au profit de quelques uns". Une référence à la destruction par les agriculteurs d'une ligne électrique surplombant l'ouvrage, sans l'autorisation d'Enedis, partie civile et qui demande 32 900 euros en réparation d'un préjudice matériel.

"Une décision politique"

Les deux dirigeants agricoles ont rappelé qu'un arrêté préfectoral avait initialement autorisé les travaux en juin 2018, avant son annulation trois mois plus tard après intervention des ministères de la Transition écologique et de l'Agriculture. "Une décision politique" prise "sous la pression de France Nature Environnement", a dénoncé M. Bousquet-Cassagne, "fier d'avoir bâti ce lac".

L'avocat des prévenus, Me Luc-Christophe Dejean, a déploré une "schizophrénie républicaine", avec d'un côté des poursuites pénales mais de l'autre côté un courrier de mai "signé par quatre ministres invitant à l'apaisement et à un règlement favorable à la légalisation de l'ouvrage".

En mars, les élus du Lot-et-Garonne et l'Etat avaient proposé un compromis permettant aux agriculteurs d'utiliser la retenue pour irriguer cet été avant sa vidange complète à l'automne, prélude au dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation.