Un appel au stockage de l’eau dans le Lot-et-Garonne

Après les intempéries qui ont traversé le Sud-Ouest, un collectif de 20 acteurs économiques du Lot-et-Garonne réclame la création de nouvelles infrastructures de stockage d’eau dont les agriculteurs ne seraient qu’une partie des bénéficiaires.

« Avec un débit de de la Garonne de 5 000 m3/s, tel qu’on l’a observé pendant 24 heures à Tonneins, il passe  en une minute le volume utile à l’agriculture du regrettablement célèbre lac de Caussade, en 40 minutes la consommation par évaporation de la centrale nucléaire de Golfech, en moins de 4 heures le volume nécessaire aux remplissages de tous les barrages actuellement construits en amont de Toulouse, en moins de 6 heures de quoi couvrir les besoins du département du Lot-et-Garonne en irrigation pendant toute une année, en moins de 18 heures le volume nécessaire au remplissage de la plus grande version du « feu projet de Charlas » et en moins de 18 heures le volume d’eau nécessaire à assurer 100% du débit objectif d’étiage à Tonneins pendant deux mois en été ».

Dans une tribune publiée dans la presse locale le 6 février, 20 acteurs économiques lot-et-garonnais liés à l’agriculture (*) se sont fendus d’un plaidoyer en faveur de la construction d’infrastructures de stockage d’eau. « Tous les dossiers soumis à autorisation sont bloqués, affirme Alain Saphy, arboriculteur à Granges-sur-Lot, vice-président de la coopérative Unicoque, signataire de la tribune. En 2020, même les dossiers soumis à simple déclaration ne sont pas passés. C’est la première fois que cela se produit en 40 ans ».

Alain Saphy, arboriculteur à Granges-sur-Lot, vice-président de la coopérative Unicoque (Crédit photo : Unicoque)
Alain Saphy, arboriculteur à Granges-sur-Lot, vice-président de la coopérative Unicoque (Crédit photo : Unicoque)
"Commençons par créer des réserves, on sera toujours à temps d’arbitrer l’usage et le partage  de l'eau"

2020, c’est aussi l’année où le président et le vice-président de la Chambre d’agriculture ont été condamnés à des peines de prison (appel en cours), pour avoir créé la retenue collective de Caussade (920 000 m3 dont 300 000 réserves au débit d'étiage), dûment autorisée par les autorités compétentes locales avant d’être interdite par divers cabinets ministériels.

Dans ces conditions, on comprend la frilosité de l’Administration tout autant que l’incompréhension des premiers intéressés que sont les agriculteurs. Mais pas que. « Si la Garonne connaît des problèmes d’étiage en été, ce n’est pas le cas du Lot, poursuit l’arboriculteur. Grâce aux lacs de réalimentation en amont, non seulement l’étiage est assuré mais les besoins d’irrigation sont aussi satisfaits. Les réserves d’eau permettent aussi de réalimenter les nappes, de diluer les eaux des stations d’épuration de nos petits villages, le tout avec des taux de subvention qui plafonnent à 30%. Commençons par créer des réserves, on sera toujours à temps d’arbitrer l’usage et le partage ».

Pour Alain Saphy, la première des choses à faire est bien évidemment de légaliser définitivement le lac de Caussade. Sur un département comme le Lot-et-Garonne, il est techniquement possible de doubler les capacités de stockage, en créant des réserves et en travaillant sur la réalimentation des nappes.

Des usagers responsables

Outre les prélèvements dans la Garonne et dans le Lot, le maillage de retenues individuelles et collectives permet au département d’atteindre un taux d’irrigation de la SAU pointant à 24% (2014), quand la moyenne nationale s’établit à 6%. Cet avantage a été mis au service de la diversification (le département revendique près de 70 productions distinctes) et d’une forme de rééquilibrage territorial, entre des zones de plaine traversées par des cours d’eau et des zones de coteaux potentiellement exclues de la ressource. Le changement climatique va évidemment accentuer les tensions sur la ressource en été alors que les climatologues prévoient autant d'eau l'hiver, ce qui motive la création de nouvelles ressources.

Les agriculteurs défendent leur bonnes pratiques, tant du point de vue de la gestion du stockage que de celle de l’irrigation. « L’installation de bac de décantation en amont afin de prévenir les risques de sédimentation devient la règle, affirme Alain Saphy. L’eau relâchée dans le milieu est pompée à 1,5 m de profondeur pour que sa température et son taux d’oxygénation correspondent aux besoins du biotope. S’agissant des lacs de dernière génération, nous nous engageons à ne pas retenir l’eau fournie par les orages d’été pour privilégier les autres usages. Nos techniciens spécialisés réalisent une veille technologique constante et au plan mondial. Enfin au niveau des parcelle, nous mettons en œuvre des outils de pilotage permettant de renforcer l’efficience de l’eau ». N’en jetez plus, la coupe est pleine.

(*) ACMG, Cadralbret, CER France, Chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne, Coufidou, Crédit Agricole, Cuma de Lot-et-Garonne, Epi de Gascogne, Expalliance Interbio Nouvelle-Aquitaine, Koki, KWS, La Coopération Agricole, Les Paysans de Rougeline - Valprim, Maître Prunille, SES Vanderhave Syngenta, Terres du Sud, Vallée du Lot coopérative agricole, VLDC Berticot et Graman.