Opérations « mairie ouverte » dès samedi dans les zones rurales

L’Association des maires ruraux de France et l’Association des petites villes de France invitent toutes les communes à ouvrir leur porte durant toute une semaine afin de recueillir les « doléances et les propositions » des citoyens.

Lancée le 5 décembre dernier, l'opération devait être cantonnée à ce samedi 8 décembre. Et, signe que la colère gronde, les deux associations de maires ont décidé de l'étendre jusqu'au samedi 15 décembre. L'Association des maires ruraux de France (AMRF) représente 10.000 communes de moins de 3.500 habitants. L'Association des petites villes de France (APVF) fédère quant à elle 1200 communes de moins de 25.000 habitants. Dans le milieu de la journée de vendredi, plus de 400 communes rurales avaient signalé leur adhésion à l'opération. Fercé-sur-Sarthe, commune de 583 habitants, dans la Sarthe, est l'une d'elle. « L'idée, par rapport à ce manque de confiance envers les politiques, on s'est dit que les maires peut-être servir de lien, simplement de passeur », déclarait jeudi soir son maire Dominique Dhumeux sur l'antenne de Public Sénat. « Recevoir l'information des gens, leur ressenti, leurs attentes, leur colère, pouvoir les écouter, sans débattre, simplement entendre et ensuite, renvoyer ça à l'État. L'idée, c'est de se dire, à partir du moment où on peut la dire avec des mots, cette colère, on utilise moins les poings pour le faire ».

Les 80 km/h en travers

Dominique Dhumeux est aussi le président de de l'Association des maires ruraux de la Sarthe. Son analyse du mouvement des « gilets jaunes » est la suivante. « C'est une accumulation de frustration de sentiment d'abandon", explique-t-il. « L'élément déclencheur ça aura été à mon sens les 80 km/h puis le prix du gasoil qui impacte clairement l'outil de liberté qu'avaient nos habitants des villages à travers la voiture. C'est l'étincelle qui a déclenché ce feu qui, à mon avis, on va avoir du mal à éteindre ».

Le passage aux 80 km/h est, pour beaucoup d'élus, une démonstration du verticalisme et de l'unilatéralisme à l'œuvre, quand la concertation, doublée d'un discernement à l'échelon des réseaux routiers locaux, aurait permis d'avaliser une réforme qui ne fait pas débat, ou peu, sur le fond.

«  L'aggravation de la situation est tangible et les maires ont tous suivis les événements », pointe l'AMRF dans un communiqué. « Leurs débordements imposent de prendre des initiatives. Aux réseaux sociaux qui excluent et attisent les tensions, l'AMRF propose que le contact humain soit privilégié en utilisant la proximité des mairies pour déboucher la surdité de nos gouvernants ».

Maires et citoyens, même combat

Les élus ruraux comprennent doublement la colère de leurs concitoyens. D'abord parce qu'ils sont à leur contact quotidiennement, quand le pouvoir central, déconnecté de la base, a délaissé ses capteurs des tensions sociales. Ensuite parce que les élus eux-mêmes voient leurs moyens et leurs prérogatives entamés et bafoués. « La commune est utile et souhaite le prouver une fois de plus dans cette période troublée, fruit des graves dysfonctionnements d'un État qui reste sourd à nombre de difficultés des habitants et des élus », souligne , l'AMRF. « Les causes de ce tumulte ne datent pas d'aujourd'hui, elles sont profondes et le résultat de dizaines d'années d'erreurs d'appréciation qui ont conduit à superposer fracture territoriale et fracture sociale ». « Depuis dix ans, les citoyens expriment leur colère à travers un bulletin de vote, c'est tout à fait normal dans une démocratie » analyse Dominique Dhumeux. "Mais depuis dix ans, ils ne sont pas entendus. A chaque fois, pendant quinze jours, on parle du monde rural, du vote FN, on comprend pas ce qui se passe et après tout le monde oublie, toute le monde reprend sa petite vie quotidienne sur Paris. Et finalement, s'ils voulaient exprimer leur colère autrement que par le bulletin de vote, c'était la rue, et c'est pour ça qu'aujourd'hui ils se mobilisent ». Les maires ruraux aussi.