Retrait, limitation, statu quo : le futur du glyphosate pour 2021-2022

Le directeur général de l’Anses a esquissé l’avenir du glyphosate en France : du retrait pur et simple à compter de l’automne 2021 au maintien des AMM pour les cas d’impasse, en passant par des restrictions de dose dès le printemps 2021.

Auditionné le 23 juillet dernier par la Mission d'information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate de l'Assemblée Nationale, Roger Genet, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a levé une partie du voile concernant le calendrier et les modalités d'emploi du glyphosate en France pour les campagnes 2021 et 2022. Si les échéances ne dépassent pas 2022, c'est parce que le sort du glyphosate se jouera alors à l'échelon européen avec la procédure de ré-homologation – ou pas – de la molécule par l'Union européenne, les autorisations actuelles prenant fin en décembre 2022, conformément au processus quinquennal de réévaluation.

Trois cas de figure

Les scénarios évoqués par l'Anses s'appuient sur différents rapports que l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a produits évaluant les impacts techniques et économiques d'un retrait du glyphosate en grandes cultures, dans les vignes et dans les vergers, sans oublier les usages en forêt et dans les zones non agricoles.

Dans tous les cas, le futur du glyphosate va s'orchestrer selon trois modalités distinctes, à savoir "le retrait pur et simple de certains usages, des restrictions d'usage limitant les quantités à l'hectare et enfin des situations d'impasse où les usages seront maintenus", a déclaré Roger Genet. L'Anses considère comme des impasses les situations où les alternatives mécaniques font défaut ou lorsqu'elles s'avèrent inefficaces, comme c'est le cas par exemple à l'égard des vivaces, une problématique commune à toutes les cultures. Dans les zones non agricoles s'ajoutent des problèmes de sécurité liés au désherbage des abords d'autoroutes et de voies ferrées ou encore des monuments historiques.

Des restrictions compatibles avec l'agriculture de conservation

En grandes cultures se profile une limitation maximale à l'hectare des quantités autorisées, étant entendu que les itinéraires avec labour se verront interdire l'usage du glyphosate. Les cas d'impasse, autorisant donc le recours à la molécule, devraient se concentrer sur la lutte contre les vivaces, en plus des mesures de lutte obligatoires. L'agriculture de conservation entrera dans le champ des restrictions d'usage. "On ne peut pas cibler spécifiquement l'agriculture de conservation car elle n'a pas de définition qui lui permettrait, dans une autorisation de mise sur le marché, d'être ciblée comme dérogatoire", a précisé Roger Genet. "Mais il nous semble que la limitation des quantités à l'hectare doit permettre aux exploitations concernées le maintien des usages en agriculture de conservation".

Zéro glyphosate, sinon 60%, 80% ou 100 % en vigne-arbo

En viticulture, l'Anses a identifié les situations d'impasse. "Ce sont les situations non mécanisables, les terrains caillouteux, en forte pente et, comme pour tous les usages, la destruction des adventices vivaces qui aujourd'hui n'a pas vraiment d'alternative non chimique", a fait savoir le directeur de l'Anses. "Ce que l'on envisage, très clairement, c'est une forte limitation des quantités, avec une interdiction d'utilisation entre les rangs et une limitation des quantités à l'hectare, d'environ 80%, permettant aux viticulteurs d'utiliser des petites quantités sous les rangs".

Ce compromis devrait permettre de réduire la consommation de glyphosate tout en permettant aux industriels de monter en puissance dans la fabrication d'outils intercep, Axema ayant récemment pointé ses propres impasses, à savoir l'impossibilité pour la filière de fournir de quoi entretenir mécaniquement 750 000 ha de vignes dès 2021.

En arboriculture, confrontée en prime à la problématique des lignes d'arrosage et des récoltes au sol de certaines espèces, le même schéma devrait prévaloir qu'en viticulture avec une réduction de dose plafonnant à 60%, ce qui reste à confirmer.

Calendrier

Le directeur général de l'Anses a précisé le calendrier de mise en application de ces grands principes. "Pour les retraits d'usage, on appliquera un délais de grâce du douze mois, soit six mois pour la vente plus six mois pour l'usage, d'où un maintien des produits actuellement sur le marché jusqu'en octobre-novembre 2021", a indiqué Roger Genet. "Pour les restrictions d'usage, il n'y a pas de délai de grâce. Les restrictions d'usage s'appliqueront probablement à partir d'avril 2021, les industriels ayant six mois pour modifier les étiquetages".

Le directeur général de l'Anses considère que cette feuille de route va permettre de réduire significativement l'usage du glyphosate en France sans toutefois se prononcer sur une estimation.

S'agissant du processus de réapprobation de la molécule au niveau européen, dont la France est un des quatre pays membres du consortium, l'Anses prévoit de livrer son rapport en juin 2021, sur la base des dossiers déposés par les firmes en juin dernier, non compté un délais éventuel de six mois supplémentaires, au cas où des données complémentaires seraient nécessaires.