Pesticides : le Pacte vert amputé, Ecophyto ajourné ?

[Edito] Le rejet par le Parlement européen du règlement SUR, relatif à l’utilisation durable des pesticides, offre potentiellement un répit au futur Plan Ecophyto 2030, au risque d’un procès en procrastination. Sinon en surtransposition.

Réuni en séance plénière le 22 novembre, la Parlement européen a rejeté la proposition de la Commission européenne visant à réduire de 50% l’usage des pesticides au sein de l’UE d’ici à 2030, comparativement à la période 2015-2017. Baptisé règlement SUR (Sustainable Use of pesticides Regulation), le projet formalisait l’un des engagements de la Commission inscrit fin 2019 dans le Pacte vert, la feuille de route climatique et écologique de l’UE, s’appliquant à tous les secteurs économiques (agriculture, énergie, transports, industrie, bâtiment...), avec en ligne de mire la neutralité carbone en 2050. Dans le secteur agricole, le Pacte vert, via les stratégies Farm to fork et Biodiversité, est jalonné par différents marqueurs tels que des seuils de SAU de 25% en bio et de 10% en surfaces à haute diversité biologique à horizon 2030, ou encore la réduction de 20% et de 50% l’usage, respectivement, des engrais de synthèse et des antibiotiques en élevage.

L’étude d’impact ignorée

En 2021, la publication par le Joint Research Center, le laboratoire de recherche scientifique et technique de l’UE, d’une étude d’impact du volet agricole du Pacte vert a achevé de convaincre les organisations agricoles européennes que le Pacte était davantage noir que vert. L’étude pointait des baisses de production comprises entre -5% et -15% n’épargnant aucune filière, une hausse des coûts de production, une baisse des revenus agricoles, le tout menaçant une souveraineté alimentaire déjà souffreteuse. En 2022, le déclenchement de la guerre en Ukraine rajoutait une couche d’insécurité à l’échelle planétaire. En juillet dernier, la Commission confirmait, sur la base d’une étude complémentaire, la nécessité de réduire l’usage des pesticides, au motif que l’inaction serait à terme davantage génératrice d’insécurité. Néanmoins, le texte soumis au vote des eurodéputés le 22 novembre dernier a été significativement édulcoré, au point qu’une majorité a renvoyé la patate chaude au Parlement post-élections européennes de juin 2024, d’où sortira aussi une nouvelle Commission.

Surtransposition, procrastination ou anticipation ?

Ce nouvel agenda, s’il était confirmé, ne va pas manquer de percuter l’agenda franco-français. Début 2024, le gouvernement doit en effet lancer le Plan Ecophyto 2030, dont les objectifs sont peu ou prou, et logiquement, alignés sur ceux du règlement SUR. De quoi potentiellement alimenter le procès en surtransposition, dont le dernier avatar en date concerne le S-métolachlore. Il se trouve que la puissance publique est actuellement sous le feu d’un autre procès, un procès en procrastination, intenté par une Commission d’enquête parlementaire qui étrille « l’incurie », selon les termes de son rapporteur Dominique Potier, les 15 ans de « plans-plans » Ecophyto. Entre procrastination et surtransposition, il existe pourtant une troisième voie, celle de l’anticipation et de l’adaptation. Car règlement SUR ou pas, ce qui est sûr, c’est que le nombre de produits phyto va inéluctablement se restreindre en raison des risques que certains font courir à la santé humaine et/ou à l’environnement. Même le glyphosate, réapprouvé jusqu’en 2033, reste sous la menace de recours en illégalité devant la Cour de justice de l’UE.