Sivens : un projet de territoire d’ici au mois de juin

Tous les acteurs du territoire du bassin versant du Tescou ont signé le 21 décembre dernier une charte préfigurant le lancement d’un projet de territoire d’ici à la fin du mois de juin. De bonnes intentions à la hauteur de fortes ambitions.

Ne l'appelez plus barrage de Sivens (Tarn) mais projet de territoire du bassin versant du Tescou. Le changement de dénomination ne fera pas totalement oublier l'épilogue tragique du projet initial, qui s'est soldé par la mort d'un jeune militant naturaliste. C'était en octobre 2014, quelques semaines après le démarrage du chantier et quelques semaines avant que la Commission européenne n'ouvre une procédure d'infraction contre la France pour violation de la Directive sur l'eau. Le changement de nom préfigure-t-il un changement de paradigme dans l'appréhension d'un projet à la croisée d'enjeux agricoles, économiques, environnementaux, climatiques, territoriaux et sociétaux ? On est tenté de le penser, à l'aune du travail mené par l'ensemble des acteurs depuis 2015. 2015, c'est l'année qui entérine l'abandon du projet de barrage sur le Tescou, un cours d'eau de 50 km qui prend sa source au nord de Gaillac (Tarn) et qui se jette dans le Tarn à Montauban (Tarn-et-Garonne). En juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse annulait les arrêtés préfectoraux autorisant le projet, aux motifs qu'il était surdimensionné et que son impact environnemental n'était pas suffisamment compensé. D'une capacité de 1,5 M m3, la retenue devait servir le contrôle de l'étiage du Tescou et les besoins en eau d'environ 80 exploitations. A l'été 2017, la zone humide du Testet, vouée à la submersion dans le projet de barrage, était réhabilitée.

De la charte préalable...

Pour autant, l'abandon du projet de barrage n'était pas synonyme de renoncement à tout projet d'aménagement. Car les expertises diligentées peu avant la décision d'abandon ont confirmé l'existence d'un besoin avéré en eau sur le territoire du bassin versant du Tescou. Elles ont aussi débouché sur un réexamen du niveau de ce besoin. 2015, c'est également l'année où le gouvernement publie une instruction relative au financement par les agences de l'eau des retenues de substitution. L'instruction intronise « les projets de territoires », fruits d'une concertation associant tous les acteurs du territoire et ayant pour objectif une gestion équilibrée de la ressource en eau, sans détériorer la qualité chimique et écologique des milieux aquatiques. Les départements du Tarn et du Tarn-et-Garonne s'en saisissent en commençant par mener, en 2016, un audit patrimonial auprès d'une soixantaine d'acteurs représentatifs du territoire : agriculteurs, associations, élus, acteurs économiques, institutions. En février 2017, les préfets et présidents des Départements du Tarn et de Tarn-et-Garonne engagent la démarche de projet de territoire, sous l'égide d'Adeprina-AgroParisTech, un opérateur expert sélectionné dans le cadre d'un marché public. Le 21 décembre 2017, une charte formalise l'engagement des acteurs à partager, « dans un climat de dialogue et d'échanges désormais apaisé », leur vision du développement du territoire dans une démarche de co-construction (voir pièce jointe). 

... au projet de territoire

Partager : c'est, avec la co-construction, le mot clé de la charte préalable au projet de territoire du bassin versant du Tescou. Partager une vision (identité paysagère, besoins en eau multiples non satisfaits, défis climatique et démographique, attentes sociétales...), partager des exigences (globalité du projet, pluralité des expertises, maintien du tissu agricole et rural...), partager des objectifs (faciliter l'émergence et l'incubation de projets coordonnés liés à l'eau, à la biodiversité, à l'alimentation, à l'économie agricole et touristique, à l'énergie renouvelable...). La vision, les exigences et les objectifs vont se traduire en propositions d'actions opérationnelles au cours du premier semestre 2018, ultime étape avant le lancement du projet de territoire. Les signataires de la charte se sont également accordé sur la mise en place d'un dispositif de gouvernance innovant et adapté, au service des acteurs publics et privés, pour prendre en charge en commun les qualités souhaitées du bassin et du territoire du Tescou. Bref, tous les acteurs se sont donné les moyens de leurs ambitions. L'Histoire passée les oblige, autant que celle à écrire.