Alimentation locale dans les cantines : défi relevé pour les Pays de la Loire

Les lycées relèvent de la compétence des régions, tout comme certaines politiques agricoles. En Pays de la Loire, le conseil régional a décidé d'unir ces deux domaines de compétences, en proposant aux lycées de s'approvisionner en produits alimentaires régionaux, grâce à un outil de commandes déployé par la chambre d'agriculture. Incitation, accompagnement, valorisation : aujourd'hui, les 109 lycées publics s'engagent dans ce projet.

« Cuisiner des produits de proximité, frais, de saison, c'est le kif ! En ce mois d'avril, nous attendons impatiemment les fruits et légumes de printemps ». Chef de la cantine du lycée André-Malraux d'Allonnes (72), David Martineau prépare avec son équipe quelque 600 repas chaque jour. De plus en plus, il y intègre des produits agricoles et agroalimentaires, bruts ou transformés, venus de Sarthe et des départements limitrophes.

Ses élèves apprécient : « Ce qu'ils nous demandent le plus, c'est de la viande ! Je la leur prépare souvent en émincés, pour m'adapter à leur façon de consommer, le téléphone à la main... Récemment, j'ai eu l'occasion de pouvoir demander à notre fournisseur local de merguez de nous faire des saucisses un peu plus grosses, là encore pour répondre à la demande de nos élèves ».

Connaître ses fournisseurs, échanger avec eux jusqu'à pouvoir modifier certaines recettes, parfois visiter leurs sites de production ou les recevoir au sein des cuisines des lycées, tout cela est relativement nouveau en restauration scolaire... C'est pourtant ce qu'il se passe depuis quelques années en Pays de la Loire, région à l'agriculture très diversifiée, dans laquelle la collectivité régionale s'implique concrètement dans la promotion du « manger local » avec les équipes des 109 lycées dont elle a la responsabilité.

A Allonnes (72), le lycée André-Malraux s'est particulièrement distingué par ses commandes de produits locaux sur le nouveau logiciel Approlocal, développé par la chambre d’agriculture : le chef David Martineau a reçu le 8 avril dernier, le premier prix du challenge Approlocal des mains de Lydie Bernard, vice-présidente de la région, en charge de l'agriculture (au centre). A ses côtés, Élisabeth Querec, gestionnaire du lycée (à gauche) et Valérie Lison proviseure-adjointe (à droite). (Photo : Catherine Perrot)

Un levier puissant pour une politique agricole

La restauration collective, et en particulier la restauration collective de service public (établissements scolaires, hôpitaux, maisons de retraite, administrations...), constitue en effet un puissant levier pour asseoir une politique agricole : chaque année, plusieurs milliards de repas y sont servis.

En novembre 2018, avec la Loi Egalim, l’État français a saisi ce levier pour accélérer la transition vers une alimentation plus saine et durable, et vers une agriculture agroécologique : elle a assigné à la restauration collective publique un objectif d'approvisionnement d'au moins 50% de produits durables et de qualité (signes officiels de qualité, HVE, équitable, fermier...), dont au moins 20% de produits issus de l’agriculture biologique. Cet objectif est entré en vigueur depuis le début de l'année 2022, mais son non-respect n'est pas (encore) sanctionné.

Sur son site, le lycée André-Malraux d'Allonnes (72) présente l'origine des produits utilisés dans sa cantine. Source : malraux.paysdelaloire.e-lyco.fr.

Objectif : 100% français, 50% régional

A son échelle, la région Pays de la Loire a, elle aussi, utilisé ce levier pour promouvoir sa production agricole et agroalimentaire, son premier secteur économique. Elle a fixé des objectifs aux chefs de cuisine et gestionnaires de ses 109 lycées publics : 100% français, 50% régional, en leur demandant un effort tout particulier sur les viandes de bœuf et de volaille, deux productions dont la région est très bien pourvue. Cette restauration collective dans les lycées de la région représente 80 000 repas par jour servis aux élèves, enseignants et agents de la collectivité.

Ces objectifs, qui s'ajoutent à ceux de la loi Egalim (1), ont été présentés, mais pas imposés aux lycées : le principe est d'en faire un « projet partagé », un « état d'esprit », et cela semble bien parti puisque tous les lycées renseignent déjà la provenance de leurs produits, au sein de leur logiciel de restauration, Easilys (logiciel qui leur fournit aussi de précieux services comme le calcul des coûts des repas, des matières premières, les taux de gaspillage, les coûts énergétiques...).

Un outil de commande en ligne

Si le projet de plus de produits régionaux dans les cantines semble bien partagé, c'est aussi parce que la Région a développé des outils pour accompagner et motiver les équipes des lycées (chefs et gestionnaires) : moyens financiers pour acquérir des équipements, conseillers restaurations dédiés,  actions de lutte contre le gaspillage, animations avec des chefs de l'Académie culinaire de France pour inventer de nouvelles recettes régionales et anti-gaspi, rencontres avec les élus de la Région...

Depuis septembre 2021, un nouvel outil est arrivé pour renforcer cette dynamique : Approlocal (2). Cette plate-forme recense des fournisseurs, agriculteurs, coopératives, entreprises d'IAA (sans distinction de circuits longs/courts), qui proposent des aliments 100% produits et transformés dans la région. Connecté à Easilys, elle permet la commande directe de ces produits en ligne. « C'est très simple », assure le chef David Martineau.

"Nous voyons l'alimentation des jeunes comme un outil pédagogique"

« Jusqu'à présent, il n'existait pas ce type d'outil, la chambre régionale d'agriculture a réussi à le construire », commente Lydie Bernard, la vice-présidente de la Région, en charge de l'agriculture. Éleveur en Vendée, et élu responsable du dossier alimentation à la chambre régionale d'agriculture, Jordy Bouancheau confirme que l'organisme consulaire est très impliqué dans ce projet : « Nous voyons l'alimentation des jeunes comme un outil pédagogique. Cela nous permet de rappeler qu'un agriculteur génère 7 emplois en aval. Et cela nous rapproche des utilisateurs de nos produits : on n'a pas toujours conscience du travail qu'il y a de l'animal qu'on élève, à son utilisation en cuisine. »

(1) Les produits locaux ou régionaux ne « rentrent » pas automatiquement dans les « 50% de produits durables et de qualité, dont 20% de bio » demandés par Egalim, mais ils le sont très souvent...

(2) L'outil Approlocal a été initialement développé dans la région des Hauts de France, mais c'est en Pays de la Loire qu'il est le plus utilisé.