BCAE : la Commission européenne propose de multiples assouplissements

Bruxelles propose des aménagements touchant la plupart des BCAE, que le Parlement et le Conseil de l’UE doivent encore entériner. L’exécutif européen fait également plusieurs propositions pour mieux répartir la valeur dans la chaine alimentaire. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau se « réjouit » des avancées.

Suite au front de contestation à l’échelle continentale, la Commission européenne a proposé le 15 mars un train de mesures destinées à « réduire la charge liée aux contrôles pour les agriculteurs de l'UE et à leur offrir une plus grande souplesse pour se conformer à certaines conditions environnementales ». Les mesures portent notamment à la conditionnalité (les BCAE), la méthodologie des contrôles (en vue de réduire de 50% les visites en exploitation) ou encore l’utilisation de la notion de force majeure et des circonstances exceptionnelles pour qui ne peut pas satisfaire toutes les exigences de la Pac en raison d'événements exceptionnels et imprévisibles. « Les discussions avec les États membres sur ces éventuelles mesures auront lieu dans plusieurs formats, notamment lors de la prochaine session du Conseil Agriculture du 26 mars », précise la Commission dans un communiqué.

« La proposition établit un juste équilibre entre la nécessité de maintenir le rôle de la Pac dans le soutien à la transition de l'agriculture européenne vers une agriculture plus durable, les attentes des agriculteurs et des États membres et l'objectif de parvenir rapidement à un accord entre le Parlement européen et le Conseil. Elle est soigneusement calibrée et ciblée afin de maintenir un niveau élevé d'ambition environnementale et climatique dans la Pac actuelle ».

Les propositions d’aménagement des BCAE

BCAE 1 (maintien d’un ratio régional de prairies et des pâturages permanents)

Le 12 mars, la Commission européenne a adopté un acte délégué visant à ajuster le ratio de référence de 2018, en cas de changements structurels dans les systèmes d’exploitation, autrement dit de baisse du nombre d’élevages à l’échelle des Régions, en l’assortissant de dérogations à l’obligation de réimplanter des prairies. Le Parlement et le Conseil de l’UE ont deux mois pour notifier leurs observations.

BCAE 6 (couverture des sols pendant les périodes sensibles)

Selon la proposition de la Commission, les États membres disposeraient d'une plus grande souplesse pour définir ce qu'ils définissent comme des périodes sensibles, et les pratiques qui leur permettront de satisfaire à cette exigence, compte tenu de leurs conditions nationales et régionales, et dans un contexte de variabilité climatique croissante.

BCAE 7 (rotation des cultures)

Les agriculteurs de l'UE pourront satisfaire à cette exigence en choisissant de procéder à une rotation ou de diversifier leurs cultures, en fonction des conditions auxquelles ils sont confrontés et si leur pays décide d'inclure la possibilité de diversification des cultures dans leur plan stratégique relevant de la Pac. La flexibilité nécessaire à la diversification des cultures plutôt qu'à la rotation des cultures permettra aux agriculteurs touchés par une sécheresse régulière ou par des précipitations excessives de se conformer plus facilement à cette exigence.

BCAE 8 (jachère et éléments non productifs)

Selon la proposition de la Commission, les agriculteurs de l'UE devraient conserver les particularités topographiques existantes sur leurs terres, mais ils ne seraient plus tenus de consacrer une partie minimale de leurs terres arables à des zones non productives, telles que les jachères. Au lieu de cela, ils pourraient choisir, sur une base volontaire, de conserver une part de leurs terres arables non productives, ou d'établir de nouvelles particularités topographiques (telles que des haies ou des arbres) et de bénéficier ainsi d'un soutien financier supplémentaire au titre de l’écorégime.

BCAE 9 (non labour des prairies sensibles en zone Natura 2000)

La Commission propose l’instauration de dérogations ciblées pour labourer, avant leur restauration, les prairies permanentes endommagées par prédateurs ou des espèces envahissantes. Les dérogations pourraient être fixées dans les PSN pour toute la durée de la programmation Pac. « Elles devraient être limitées en termes de superficie et ne devraient être établies que lorsqu'elles s'avèrent nécessaires pour résoudre des problèmes spécifiques », précise la Commission.

BCAE et conditions extrêmes

Dans les cas extrêmes de conditions météorologiques défavorables empêchant les agriculteurs de travailler correctement et de se conformer aux exigences en matière de BCAE, la Commission propose que les Etats membres puissent introduire des dérogations temporaires.

BCAE et petites exploitations

La Commission européenne propose d'exempter les petites exploitations de moins de 10 hectares de contrôles et de sanctions liés au respect des exigences en matière de conditionnalité. « Cela réduira considérablement la charge administrative liée aux contrôles pour les petits agriculteurs, qui représentent 65 % des bénéficiaires de la Pac », précise l’exécutif européen.

En outre, les évolutions de la réglementation européenne en matière de climat et d’environnement n’entraineraient plus de mise à jour ou d’adaptations automatiques des PSN au cours de leur mise en œuvre pour les textes qui entrent en vigueur après le 31 décembre 2025.

Les propositions pour mieux répartir la valeur

Outre les assouplissements en matière de conditionnalité, la Commission européenne propose plusieurs mesures destinées à « améliorer la rémunération des agriculteurs et leur position dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire », susceptibles d’être mises en œuvre « à court et moyen terme », à savoir :

- un observatoire des coûts de production, des marges et des pratiques commerciales dans la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire destiné à « renforcer la transparence des coûts et des marges dans la chaîne en rendant les données publiques et en échangeant des informations »

- le renforcement du caractère obligatoire de la contractualisation amont et des mécanismes de médiation en cas de difficulté, pour faciliter la constitution et la reconnaissance des organisations de producteurs et associations d’organisations de producteurs et améliorer leur pouvoir de négociation

- l’instauration de nouvelles règles concernant la dimension transnationale/transfrontalière des transactions afin de lutter contre les pratiques commerciales déloyales, avec en ligne de mire les centrales d’achat européennes

La réaction française

« L’Europe avance au service des agriculteurs en proposant aujourd’hui des mesures de simplification très attendues que j’ai portées depuis plusieurs semaines à Bruxelles au nom de la France, a réagi le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. Je me réjouis des avancées obtenues. L’Europe doit être en mesure de s’adapter avec agilité et efficacité pour répondre aux inquiétudes et aux préoccupations légitimes des agriculteurs tout en garantissant une véritable vision sur les transitions nécessaires. Je resterai très vigilant pour m’assurer que les premières réponses apportées par la Commission européenne soient mises en œuvre rapidement en suivant un calendrier d'action clair et un plan d'action précis, tant en termes de direction que la Commission souhaite prendre que de moyens et de méthodes qu'elle entend déployer ».