Calamités : les prairies ne sèchent pas

Le CGAAER propose plusieurs pistes de réforme du régime des calamités agricoles appliquées aux prairies. Le rapport alimentera le Varenne de l’eau et du climat dont les conclusions sur la partie assurantielle sont attendues dans l’été.

Le recours à l’Indice de production des prairies (IPP) pour pré-zoner les secteurs sinistrés, l’abandon de la référence au déficit fourrager au profit d’une référence de production fourragère, la redéfinition des missions des Comités départementaux d’expertise (CDE), la refondation et l’harmonisation des barèmes d’indemnisation, la fin des indemnisations pour pertes de fond, l’abaissement du seuil d’éligibilité des 13%, le relèvement du taux d’indemnisation au-delà de 30% et enfin une attention particulière au stockage de l’eau et à l’amélioration variétale : telles sont les recommandations du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. Le CGAAER les a formulées sur la base du retour d’expérience de la gestion des sécheresses 2019 et 2020.

Le traitement de ces épisodes avait généré frustration et contestation dans plusieurs départements, exclus totalement (Cantal, Haute-Vienne, Lot) ou partiellement (Allier) du régime des calamités en 2020.

Les recommandations visent à corriger le sentiment d’iniquité induit par le dispositif, ainsi que certaines situations d’opportunisme inhérentes à l’appréciation des zones d’affouragement et/ou du nombre d’animaux.

Les barèmes d’indemnisation ne sont pas épargnés. Ils sont décrits comme incomplets (prise en compte des seules productions principales), discriminants (favorables aux productions à fort produit brut mais à faible marge) et figés (établis pour trois ans).

Une contribution au Varenne

Ce rapport commandité par le ministre de l’Agriculture en mars est une pierre à l’édification d’un nouveau système assurantiel, faisant suite au rapport Descrozaille sur la gestion des risques en agriculture, publié en avril dernier. Le tout devrait nourrir les réflexions du Varenne de l’eau et du climat, lancé en mai et dont les conclusions sur la partie assurantielle sont attendues dans l’été.

Le rapport Descrozaille esquisse une nouvelle articulation des dispositifs assurantiels, basée sur trois seuils de perte. En-deçà de 20%, le risque serait assumé par l’agriculteur. Entre 20% et 50% de perte, l’assurance multirisque climatique (MRC) se déclencherait, avec un niveau de franchise à 20% et une part subventionnée à 70%, assortie d’une incitation fiscale via la Déduction pour épargne de précaution (DEP). Au-delà de 50%, un Fonds de mutualisation prendrait le relais. Il serait co-financé par la profession, à un niveau supérieur à celui consenti au sein Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et par l’État, au titre de la solidarité nationale.

Assurables mais indemnisables

Le dispositif s’appliquerait à toutes les cultures et mettrait fin à une incongruité, qui voit les prairies éligibles au FNGRA tout en étant considérées comme assurables. D’un côté, on peut être indemnisé à hauteur de 28 % de son déficit fourrager par le FNGRA sans cotisation particulière alors que, de l’autre, on doit payer une prime d’assurance pour être indemnisé de ses pertes de production d’herbe, certes à un niveau supérieur à celui du FNGRA mais avec application d’une franchise. Résultat : l’assurance des prairies couvre 1% des prairies avec des taux de sinistres sur cotisations de 300% en 2019 et 2020, sachant qu’au-delà de 70-75%, le résultat technique de l’assureur est déficitaire. Résultat : certains assureurs ont déserté la place tandis que d’autres ont cessé de commercialiser de nouveaux contrats.

Reste à savoir si le dispositif qui sortira du Varenne satisfera agriculteurs et assureurs. La question des moyennes olympiques constituera un des points de vigilance.

Moyennes olympiques

Le CGAAER aborde le sujet des moyennes olympiques, qui focalise un certain nombre récriminations suite aux sècheresses 2019 et 2020. La succession des sinistres, tous aléas confondus, a pour effet de dégrader la moyenne olympique, basée sur les cinq dernières années en excluant la meilleure et la moins bonne, et par voie de conséquence les indemnisations, par rapport à la moyenne décennale. Prudent sur le sujet, le CGAAER rappelle que la moyenne olympique est imposée par la règlementation communautaire applicable aux indemnisations du FNGRA en vertu des accords de Marrakech de 1995 dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Sortir de la moyenne olympique changerait la nature de l’indemnisation versée, qui deviendrait une aide sectorielle et non plus exceptionnelle. Indépendamment des aspects juridiques, porter au-delà de cinq ans la moyenne olympique aurait un intérêt momentané mais, dans une tendance longue au réchauffement climatique, ne ferait que reporter de quelques années le problème. « On peut envisager une renégociation de ce principe de la moyenne olympique au sein de la Pac et donc logiquement à l’OMC mais, en attendant, il faut vivre avec cette moyenne à court terme pour les indemnisations du FNGRA », devise le CGAAER.