Céréales en Ukraine : suspension de l’accord, quelles conséquences ?

Ce lundi 17 juillet, la Russie a mis fin à l’accord permettant à l’Ukraine d’exporter ses céréales par la mer Noire. Ce corridor, mis en place il y a un an, a permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, en dépit du conflit. Quelles vont être les conséquences de cette suspension à court et moyen terme ? La Fondation FARM fait le point.

Suspension de l’accord céréalier : une issue inévitable

Le 16 mai 2023, après de longues journées de négociation entre la Turquie, l’ONU, la Russie et l’Ukraine, les parties s’entendent in extremis pour prolonger de deux mois l’accord céréalier en Mer noire. Un soulagement pour toutes les parties mais qui reste provisoire. Trois semaines plus tard, le 6 juin, la destruction d’un pipeline d’ammoniac russe (Togliatti-Odessa), essentiel pour l’exportation des engrais, marque un tournant dans les relations entre Russes et Ukrainiens.

Dès le lendemain, Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, annonce des conséquences « négatives » pour cet acte. Moscou réclame également, en vain, plus de garanties pour ses propres exportations d’engrais. Cette fois-ci, les diplomaties turque et onusienne n’ont pas suffi pour convaincre Moscou de prolonger l’accord céréalier.

Peu de conséquences à court terme…

La suspension de l’accord annoncé par Dmitri Peskov le 17 juillet ne devrait pas à court terme – c’est à dire durant les prochaines semaines de l’été – avoir d’incidences sur le marché mondial. Ces derniers mois, le corridor a perdu de son intérêt. Depuis la dernière reconduction le 16 mai, deux fois moins de produits alimentaires ont transité par le corridor (près de 40 000 tonnes/jour entre mai et juillet contre 90 000 t/jour entre mars et mai 2023). La fin de campagne de commercialisation en blé et en maïs d’une part et la baisse du rythme d’enregistrement et d’inspection des navires par les autorités russes d’autre part, peuvent aussi expliquer cette nette baisse.

Par ailleurs, le conseil de l’UE n’a pas attendu la fin de cet accord pour tenter de trouver des solutions alternatives permettant d’accroître la capacité des infrastructures des solidarity lanes. Ces dernières ont permis de faire transiter une part importante des céréales ukrainiennes (près de 2 millions de tonnes par mois) avant leur réexportation partielle.

… mais de nombreuses inquiétudes à moyen terme

Malgré tout, les nombreux pays importateurs de céréales ukrainiennes et russes vont intensifier leur suivi de l’actualité et de la météo. En effet, si les récoltes mondiales de maïs et de blé s’annoncent bonnes dans une large partie de l’hémisphère nord, il est difficile d’évaluer les conséquences de la sécheresse qui sévit actuellement dans les grandes plainesaux Etats-Unis et en Méditerranée. A plus long terme, l’impact d’El Niño sur les cultures de l’hémisphère Sud est également source de fortes inquiétudes.

Les prix vont-ils s’envoler à la fin du mois d’août ?  Pour l’instant, la tendance reste baissière, en dépit des doutes qui planaient autour de la suspension de l’accord depuis plusieurs semaines.

La principale menace pour la sécurité alimentaire mondiale reste la reprise des pressions inflationnistes sur les prix alimentaires. De nombreux pays dépendants des importations de céréales ont vu leurs économies mises à mal par les derniers épisodes de crises liés au Covid puis aux conséquences du conflit russo-ukrainien.

Le continent africain est le premier à être impacté, en particulier l’Afrique du Nord et les grandes métropoles du continent. Les approvisionnements en blé dépendent, plus que jamais, de la capacité de l’Union européenne – premier importateur du blé ukrainien– à « faire sortir » encore plus de céréales d’Ukraine, à les stocker dans de bonnes conditions puis à les réexporter. Des défis de taille en perspective.