Changement climatique : des adaptations au cas par cas pour l’arboriculture

De par la fragilité des productions et la longévité des cultures pérennes, le secteur de l’arboriculture est aujourd’hui le premier concerné par le réchauffement climatique. Axa Climate et la FNPF ont réalisé une étude afin de sensibiliser les producteurs aux risques climatiques à horizon 2030.

« En quelques années, les cultures ont pris 3 à 4 jours d’avance en moyenne, que ce soit au débourrage ou sur la récolte » témoigne Pascal Jargaud, conseiller technique au sein de la coopérative Novacoop, située à Bessens dans le Tarn-et-Garonne et qui traite 20.000t de pommes par an. Si cette avance des cultures est liée à l’évolution des températures, le salarié de la coopérative constate une augmentation des aléas climatiques extrêmes. « Nous sommes confrontés de manière plus en plus récurrente au gel tardif, à la sécheresse, à la grêle ou aux orages ».

Si la météo est déjà impactante aujourd’hui, elle le sera d’autant plus dans les années à venir. Afin de sensibiliser les producteurs aux conditions climatiques auxquelles ils devront s’adapter à moyen et long terme, Axa Climate et la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) ont réalisé une étude sur les principaux aléas climatiques à horizon 2030/2050. « En poire, 86 % des producteurs sont aujourd’hui dans des zones à risque climatique faible. En 2030, ils ne seront plus que 55 % et 17 % en 2050 », détaille Vincent Marchal, expert agronome chez Axa Climate. Pour lui, cette approche prospective doit permettre de prendre les bonnes décisions dès à présent. « Les producteurs doivent pouvoir répondre à la question – Quels sont les investissements que je dois réaliser aujourd’hui pour sécuriser dans 20 ans ma production ? - », évoque-t-il.

Décliner l’étude au cas par cas

L’expert agronome d’Axa Climate précise que cette étude d’envergure nationale (*) doit être compléter par des diagnostics précis sur des terroirs de production restreins afin d’actionner les bons leviers d’adaptations (voir encadré). « Il y a une grande spécificité selon les productions et les territoires. Par exemple la température dans le Gard va augmenter de 2°C l’été, contre 1,2°C dans le Maine-et-Loire, sachant que cette température est déjà plus élevée actuellement dans le Sud. Les mécanismes d’adaptations à mettre en œuvre ne seront forcément par les mêmes », détaille-t-il.

Dans la vallée de l’Adour, la production de kiwi label rouge illustre parfaitement cette spécificité de chaque production. « Sur un été extrême comme 2022 avec 50 jours à plus de 30°C et des pointes à 41°C, ce ne sont pas les pics de chaleur qui sont le plus pénalisants pour nous. Le kiwi a la capacité de reprendre sa croissance lorsque les températures baissent la nuit », assure Jean-Marc Poigt, président de l’association Kiwi de l’Adour. En réalité ce sont les conditions climatiques au sommet des Pyrénées voisines qui se révèlent les plus impactantes pour les kiwiculteurs. « Notre gros problème c’est la disparation des glaciers et le manque de neige l’hiver. De ce fait la descente de l’eau n’est plus régulée et nous subissons des inondations régulières de nos parcelles. Ça ne dure jamais longtemps, 24h en général, mais répété plusieurs fois dans l’année, le phénomène suffit pour asphyxier les sols » constate-t-il. Pour Jean-Marc Poigt, les investissements nécessaires concernent des infrastructures permettant de ralentir le retour de l’eau à l’océan. « En attendant la production de kiwi se déplace naturellement vers le piémont des Pyrénées où le risque d’inondation est moins important et les gels tardifs moins fréquents qu’auparavant » constate-t-il.

Gérer les températures extrêmes

Dans leur étude conjointe, Axa Climate et la FNPF évoquent les grands types d’aléas qui impacteront de manières importantes la production fruitière à l’avenir. Les températures élevées représentent l’un de ces aléas, tout comme le gel tardif. « Les températures hivernales vont évoluer moins vite que les températures estivales, augmentant ainsi le risque de gel tardif », relève Vincent Marchal. « Aujourd’hui 50 à 70 % des surfaces de pomme du Sud-Ouest sont protégées contre le gel. Par contre les températures extrêmes ont un impact important avec une évolution très rapide de la maturité et un éclatement du fruit » détaille Pascal Jargaud.

Piloter l’adaptation à l’échelle d’un territoire

Vincent Marchal invite à étudier au cas par cas les aléas qui resteront acceptables à l’avenir et ceux pour lesquels il faut prendre des à présent des mesures pour pérenniser la production. Pour cela AXA Climate propose de travailler avec des groupes d’agriculteurs sur le terrain. « Nous allons pouvoir analyser finement les périodes de l’année qui sont réellement à risques. Notre métier est d’aller jusqu’à l’impact rendement du changement climatique. Nous mettons à disposition des agriculteurs un outil qui permet de scénariser l’évolution du risque. Par exemple, l’utilisation d’une variété plus tolérante aux vagues de chaleur va pouvoir permettre dans certains cas de repasser en risque climatique faible » détaille-t-il.

Un manque d’eau problématique

Le manque de précipitation lors des périodes clés pour la culture représente lui aussi une menace pour la production fruitière. « Il faut réaliser une analyse sur les périodes clés. Le bilan hydrique sur l’année peut rester constant, et pour autant il y a un déficit au printemps », indique Vincent Marchal. De la même manière, le déficit sera différent selon les régions. « Dans le Tarn, le bilan hydrique devrait perdre 160mm annuellement contre 50 à 100mm dans le Nord et l’Est de la France », précise l’expert agronome.

Chez Novacoop, Pascal Jargaud observe de plus en plus d’exploitations équipées avec un double système d’irrigation : Le goutte à goutte et l’aspersion par la frondaison. « Le système d’aspersion par les frondaisons est le plus efficace, que ce soit pour lutter contre le gel ou en cas de canicule. Souvent il est installé dans les parcelles qui irriguent avec l’eau des rivières car il nécessite plus de volume. Mais face aux restrictions potentielles à venir sur le pompage dans les cours d’eau, les producteurs s’équipent également du goutte à goutte pour être sûrs de pouvoir continuer à arroser quoi qu’il arrive », analyse-t-il.

(*) Etude réalisée auprès de 16 filières de production fruitière dans 25 département