Chèque alimentaire (1/3) : le « check » de la Convention citoyenne sur le climat

Promesse du président réélu, le chèque alimentaire aux plus démunis était l’une des 149 propositions de la Convention. Il ciblait les produits « durables » au sens de la loi Egalim et aurait été émis par les Centres communaux d’action sociale. Son coût aurait été en partie compensé par le produit d’une taxe sur les produits transformés.

« Comment réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, par rapport à 1990, dans le respect de la justice sociale » ? Telle était la question posée aux 150 membres de la Convention citoyenne sur le climat (CCC), qui s’est tenue du 4 octobre 2019 au 21 juin 2020. Elle a débouché sur un rapport de 460 pages détaillant 149 propositions, dont la suivante : « Mettre en place des chèques alimentaires pour les plus démunis à utiliser dans les Amap ou pour des produits bio ». Il s’agissait de la proposition SN 6.1.5, qui a trouvé, au moins en partie, sa traduction dans la loi Climat et résilience du 24 août 2021, plus précisément dans son article 259 : « Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport intermédiaire sur les modalités et les délais d’instauration d’un « chèque alimentation durable » ainsi que sur les actions mises en place en la matière ».

"Redonner de la valeur à l’alimentation nécessite de pouvoir agir pour que nos concitoyens les plus fragiles puissent y avoir accès"

Si la CCC a accouché de propositions que le gouvernement n’a pas retenues, il y en a d’autres qui ont été avalisées mais qui n’ont pas été mises en œuvre : c’est le cas du chèque alimentation.

Devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le 18 janvier 2022, le ministre de l’Agriculture avait évoqué « le besoin de temps pour techniquement mettre au point la façon de le déployer », tout en défendant d’autres dispositifs anti-inflation (indemnité inflation, bouclier énergétique, associations d’aide alimentaire...).

Julien Denormandie avait affirmé que le chèque alimentation s’inscrivait dans le « sens de l’Histoire », ce qu’Emmanuel Macron a repris à son compte, à l’occasion du Grand oral organisé par le Conseil de l’agriculture française (CAF) le 30 mars dernier. « Redonner de la valeur à l’alimentation nécessite de pouvoir agir pour que nos concitoyens les plus fragiles puissent y avoir accès, c’est pourquoi je me suis engagé sur la mise en place du chèque alimentaire et à poursuivre notre engagement de lutte contre la précarité alimentaire », avait déclaré le candidat-président. Mais rien n’a filtré des modalités de ce que sera le futur chèque, Emmanuel Macron ayant été réélu le 24 avril.

Des produits durables

Si la proposition de la CCC cite dans son intitulé les produits bio et les Amap, sa traduction légistique, à laquelle la CCC s’est astreinte pour ses 149 propositions (histoire de les rendre véritablement opérationnelles), élargit le champ des produits éligibles à tous ceux répondant aux critères de durabilité établis dans de l'article L. 230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime issu de la loi Egalim d’octobre 2018. « On pourra donc se référer au décret n° 2019-351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs, pris pour l’application de cette disposition législative, afin de déterminer les produits entrant dans le champ de cette mesure », explicitait la CCC. Elle ciblait en conséquence les produits AB (et en 2ème année de conversion), HVE (y compris la Certification environnement 2 jusqu’au 1er janvier 2027), AOC, AOP, IGP, STG, Label rouge, ainsi que les produits bénéficiant de mentions ou écolabels encadrés par la loi (« fermier » ou « produit de la ferme » ou « produit à la ferme », l'écolabel Pêche Durable, « région ultrapériphérique »).

Les CCAS à la manœuvre

En ce qui concerne l’instruction des demandes et la distribution des chèques alimentaires, la Convention citoyenne pour le climat préconisait le recours aux Centres communaux d’action sociale (CCAS), déjà en charge de la distribution des bons alimentaires, et qui permettent de faire des courses dans des épiceries sociales ou des commerces partenaires (y compris des grandes surfaces).

Au plan budgétaire, la CCC misait sur l’inscription de crédits dédiés dans la Loi de finances, sans mentionner de montant. Son coût aurait été compensé, en tout ou partie, par le produit d’une taxe sur les produits transformés, objet de sa proposition SN 6.4. Selon la CCC, le chèque alimentaire pourrait concerner entre 5 et 10 millions de personnes.

Tous les articles de la série :

Chèque alimentaire (1/3) : le « check » de la Convention citoyenne sur le climat

Chèque alimentaire (2/3) : les quatre enjeux du futur dispositif

Chèque alimentaire (3/3) : « Nous producteurs, on ne sait plus faire avec une alimentation au rabais »