Christiane Lambert, derniers jours à la FNSEA

Le 77e congrès de la FNSEA, qui se tient jusqu’au 30 mars à Angers, signera la fin du mandat de Christiane Lambert à la tête du syndicat. Son successeur sera élu le 13 avril, avec guère de suspense : le céréalier Arnaud Rousseau est l'unique candidat.

Le mandat de Christiane Lambert à la tête de la FNSEA prend fin le 30 mars, à l’issue du 77e congrès de la FNSEA à Angers, dans le Maine-et-Loire. C'est dans ce département que la native d'Auvergne gère, avec son époux, une exploitation porcine depuis plus de trente ans. Le Maine-et-Loire, dans l'histoire du syndicat, ce sont aussi les terres du premier président, Eugène Forget, qui a fondé en 1946 l'organisation qui a depuis lors largement façonné la politique agricole du pays.

Première femme présidente

Parvenue début 2017, par intérim, à la tête de la FNSEA après le décès soudain de son prédécesseur Xavier Beulin, Christiane Lambert était devenue peu après la première femme élue présidente du syndicat, qui revendique 210.000 adhérents (anciens exploitants inclus).

A 61 ans, elle ne rempilera pas pour un troisième mandat, désireuse de « lever le pied » - en France du moins, puisqu’elle continuera à présider le Copa, l'équivalent de la FNSEA au niveau européen. « J'ai enterré deux de mes prédécesseurs. (...) J'ai eu une opération à coeur ouvert en 2010 (...) Je n’ai pas envie de forcer trop la machine », a-t-elle justifié en janvier, soulignant que sa famille s'inquiétait - elle a trois enfants dont un fils qui va reprendre l'exploitation familiale. « Côté boulot, je ne sais pas faire autrement, je travaille à 250% (...) et c'est un poste à fort stress, on est attendus, il ne faut pas décevoir. »

L'ex-gardienne de handball est restée au centre du jeu jusqu'au bout : au Salon de l'agriculture, dans les matinales radio ou encore dans une récente tribune sur le souveraineté alimentaire « écrite un dimanche soir dans le Thalys ».

"Le decrescendo des productions agricoles est lié à des décisions excessives, sans études d’impact"

Lors de sa dernière conférence de presse en tant que présidente de la FNSEA, le 21 mars, elle a salué les « engagements » concrétisés pendant le Salon de l’agriculture, notamment autour de l’eau et des produits phytosanitaires.

Elle s’est également félicité du rendez-vous « très important » mené pendant le salon avec Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie. « Nous lui avons montré sans concessions pourquoi l’agriculture vit le decrescendo qu’elle vit aujourd’hui », relate Christiane Lambert. Et de faire le parallèle avec la politique énergétique en France : « La souveraineté énergétique a été sacrifiée au nom d’accords politiques. Nous avons le triste sentiment que l’agriculture, depuis un certain nombre d’années, vit la même chose. Le decrescendo des productions agricoles est lié à des décisions excessives, sans études d’impact, que ce soit sur les phytos, sur l’eau, sur des procédures administratives, etc. », poursuit-elle. « Bruno Le Maire a dit : "on a perdu l’industrie, on ne va pas en plus perdre l’agriculture". On lui a dit : "dépêchez-vous parce qu’il y a déjà du mal de fait" ».

La FNSEA travaille avec le sénateur de la Haute-Loire Laurent Duplomb pour déposer, dans les prochains mois, une proposition de loi « pour identifier tous les points de blocage et lever les freins qui brident l’agriculture française », a indiqué Christiane Lambert.

Hervé Lapie, Christiane Lambert, Jérôme Despey et Yannick Fialip lors d'une conférence de presse le 21 mars en amont du congrès de la FNSEA (crédits photo : A.Magnard)

Un nouveau profil à la tête de la FNSEA

Le congrès de la FNSEA, qui se tient du 28 au 30 mars, renouvellera le conseil d’administration de 68 membres. Le nouveau conseil d'administration élira par la suite, le 13 avril, le bureau et son nouveau président. Arnaud Rousseau, 49 ans, est le seul candidat. Céréalier en Seine-et-Marne, président du groupe Avril, le géant des huiles (près de 7 milliards de chiffre d'affaires en 2021), son profil diffère de celui de l’éleveuse Christiane Lambert. Il s’inscrit dans la lignée de Xavier Beulin, président d'Avril jusqu'à son décès en 2017.

Diplômé d'une école de commerce parisienne, Arnaud Rousseau a notamment travaillé dans le courtage agricole avant de reprendre l'exploitation familiale de Trocy-en-Multien, village de Seine-et-Marne de 240 habitants dont il est maire depuis 2014. Il est devenu agriculteur en 2002, peu avant ses 30 ans. Avec son épouse (ils ont trois enfants), aussi cheffe d'exploitation, et quatre salariés, il gère désormais près de 700 hectares.

A la FNSEA, il était jusqu'ici premier vice-président, chargé des négociations sur la répartition des neuf milliards d'euros annuels de la PAC.

Concilier les intérêts des éleveurs et des céréaliers

Dans un courrier adressé aux responsables du syndicat en forme de profession de foi, daté du 16 décembre et consulté par l'AFP, Arnaud Rousseau dit sa volonté de « sortir [la FNSEA] d'une posture de "citadelle assiégée" ». « Cela exige que nous portions collectivement la voix d'une agriculture offensive, ouverte au dialogue, qui explique les difficultés de son quotidien mais qui refuse de se laisser enfermer par les idéologies, les violences inacceptables, et les sirènes de la décroissance ». Il prône également « plus d'exigence, plus de détermination, dans notre relation avec les pouvoirs publics ».

« Il va peut-être instaurer un rapport de forces avec le gouvernement », a estimé l'actuel secrétaire général de la FNSEA, Jérôme Despey, qui ne se représente pas à ce poste. A l'intérieur du syndicat - souvent analysé à l'aune des tiraillements entre les intérêts des éleveurs, en particulier de montagne, et ceux des céréaliers – « il est important d'éviter l'affrontement entre deux blocs », observe Jérôme Despey. « Notre président est bien sûr notre capitaine, il ne peut réussir qu'en incarnant la diversité des productions et en étant le président de tous, je pense que c'est ce dont il a envie », ajoute-t-il.

En attendant, la FNSEA doit rendre hommage mercredi 29 mars à Christiane Lambert, « la meilleure communicante d'entre nous », selon le secrétaire général.