Compétitivité : la bouteille à moitié pleine

[Edito] Sous l’égide de FranceAgriMer, les filières agroalimentaires se sont livrées à un exercice de contrition pour tenter de décrypter l’érosion croissante de l’excédent commercial. Douloureux mais indispensable dans une optique de reconquête.

Surcoût des intrants, surcoût du travail, croissance tendancielle des charges de mécanisation, taux d’endettement des fermes françaises beaucoup plus élevé que la moyenne européenne, entraves aux autorisations environnementales, sous-investissement industriel, manque d’usines de transformation, insuffisances logistiques, inadéquation entre l’offre et la demande, défauts d’harmonisation des règles européennes, propension à la sur-réglementation et à la sur-transposition, barrières non tarifaires, concurrence déloyale, origine France insuffisamment mise en avant, pression sociétale, image dégradée des métiers, problèmes de renouvellement des générations, manque de financement de la recherche… : tels sont, dans les grandes lignes, les facteurs contribuant à la perte de compétitivité du secteur agroalimentaire. Ils sont égrenés dans un rapport de plus de 400 pages publié par FranceAgriMer en juin dernier.

Dans le rouge, sans les vins

Le constat n’est pas nouveau. En 2019, la Cour des comptes et la Commission économique du Sénat publiaient coup sur coup un rapport éclairant la dégradation du solde commercial et l’érosion de la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises au cours des dix dernières années. Ces deux rapports sont du reste à l’origine du travail de FranceAgriMer associant services ministériels et représentants de toutes les filières.

Les chiffres sont têtus. Sous l’effet de la stagnation des exportations et de la hausse des importations, l’excédent s’amenuise d’année en année. En 2020, il s’est rétracté de 18,2%, pour s’établir à 6,3 milliards d’euros. Sans les vins et spiritueux, qui culminent à plus de 10 milliards d’euros de bénéfices depuis quelques années, la balance agroalimentaire serait déficitaire. C’est pour le moins troublant pour la première puissance agricole européenne. Le fait de se faire tailler des croupières, davantage par les États membres de l’UE que par les pays tiers, est tout aussi questionnant.

Les vins dans le rouge aussi ?

Selon la Commission économique du Sénat, au train où vont les choses, la France pourrait, en 2023, enregistrer le premier déficit commercial de son histoire récente dans le secteur agroalimentaire. Nous n’en sommes pas là. Le rapport de FranceAgriMer, commandité par le ministère de l’Agriculture, n’avait pas vocation à formuler des recommandations mais il faut évidemment souhaiter qu’il ne s’agira pas d’un simple rapport de plus. La tâche comportait par essence un biais négatif, consistant à cibler prioritairement les faiblesses et les menaces plutôt que les forces et opportunités. Derrière ce constat global, des filières tirent évidemment leur épingle du jeu et toutes ont des atouts à faire valoir. Et puis pointer des failles dessine en creux des pistes de progrès. On peut donc voire la bouteille à moitié pleine. Mais gare : la vendange 2021 pourrait bien être la plus faible des 50 dernières années