Décarbonation des productions animales. Quels leviers pour quels potentiels ?

Face aux enjeux internationaux de limitation des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et aux objectifs tant internationaux que nationaux de réduction, l’agriculture est engagée, comme tous les autres secteurs, à réduire ses émissions

Mais face à l’objectif de réduction des émissions agricoles de moins 46 % d’ici 2050, défini dans la Stratégie Nationale Bas Carbone* (SNBC), quels sont les leviers et quels sont leurs potentiels ? Quelles actions sont possibles ? Relèvent-elles toutes des agriculteurs ? Peuvent-elles toutes être mises en place rapidement ?

Des émissions principalement biologiques, plus difficiles à réduire :

Cette analyse permet de mettre en avant l’importance des émissions biologiques en élevage, c’est-à-dire produites par des processus biologiques naturels. Ces émissions, qui correspondent au méthane (CH4 ) et au protoxyde d’azote (N2 0), sont liées au cycle du carbone et de l’azote et à l’activité de bactéries. Le méthane est lié pour les bovins, ovins et caprins à la rumination et pour tous les élevages à la dégradation des effluents (fumiers et lisiers). Il est produit par des bactéries à partir de matière organique en condition anaérobie (sans oxygène). Le protoxyde d’azote (N2 0) est quant à lui lié à l’azote, qu’il soit d’origine organique ou minérale, et est également produit par des bactéries lors du cycle de l’azote. Il est majoritairement émis lors des fertilisations minérales et organiques des cultures ou prairies, mais également via les effluents au niveau des bâtiments et du stockage. La nature de ces émissions rend plus difficile leur diminution comparativement à d’autres secteurs d’activité. Cette caractéristique est prise en compte dans la définition des objectifs de diminution de la SNBC, l’agriculture ayant un objectif de diminution inférieur à ceux des autres secteurs d’activité

Des actions nombreuses pouvant être mises en place dans les fermes dès maintenant

 En bovin, les émissions étant en grande partie liées à la rumination, de nombreuses actions sont possibles autour de la gestion du cheptel : diminution des maladies et de la mortalité des animaux, diminution de l’intervalle entre deux vêlages, optimisation de l’âge au premier vêlage et de la longévité des vaches, réduction du temps entre le dernier vêlage et l’abattage, augmentation de la durée de pâturage… De nombreuses actions sont également possibles autour de l’alimentation : mise en place de fourrages riches en azote pour favoriser l’autonomie protéique, optimisation de l’utilisation de concentrés (aliments à base de céréales et protéagineux), amélioration de la valorisation des prairies. Les autres actions possibles sont la diminution de consommation de fioul, la réduction de la fertilisation et le changement des formes et des modalités d’application de l’azote utilisé, la méthanisation des effluents...

Concernant l’élevage porcin, le principal gisement de diminution concerne la gestion des effluents. Par exemple par la mise en place de la méthanisation des lisiers, optimisée lorsqu’elle est combinée à l’augmentation de la fréquence d’évacuation des effluents. Le deuxième gisement concerne l’optimisation de l’aliment : formuler l’aliment en choisissant des matières premières moins émettrices de GES et adapter la formulation des aliments aux besoins des animaux à chaque stade physiologique (distribution multiphase = distribution d’aliments différents à chaque stade de croissance du porc), afin de limiter les quantités d’aliments consommés et de réduire l’azote dans les effluents. Enfin l’action sur l’utilisation des énergies fossiles est double : réduire les consommations d’énergie en bâtiment (étanchéité et isolation) et produire / utiliser des sources d’énergies renouvelables

Pour les volailles, l’aliment représentant les 2/3 des émissions, la principale solution va concerner l’utilisation d’éco-aliments, puis l’adaptation de l’alimentation (nombre de phases, amélioration de la digestibilité des aliments). Les autres actions vont concerner l’amélioration des performances techniques, la gestion des effluents par compostage ou méthanisation, et la gestion des bâtiments (étanchéité, isolation et utilisation de sources d’énergies renouvelables telles les chaudières à biomasse).

Quelle que soit la filière, l’atteinte de l’objectif de réduction nécessitera la mise en œuvre d’un ensemble d’actions. Aucune action ne pourra à elle seule permettre d’atteindre les objectifs de réduction. Parmi tous les exemples précédents, quelques-uns permettent des gains supérieurs à 10 %, telle la méthanisation pour les effluents porcs et bovins. Les autres actions permettent le plus souvent des gains de réduction de moins de 5 % et le plus souvent entre 1 et 3 % ; et les gains ne sont pas parfaitement cumulables, les périmètres d’actions pouvant se recouper partiellement

Ces actions à mettre en œuvre relèvent à la fois de la maîtrise technique (maîtrise des taux de mortalité et santé des animaux, indice de consommation…) et des investissements dans des solutions plus économes (gestion des effluents, chaudières biomasse, isolation…).

Concernant les investissements, certains ont un retour économique à long terme mais peuvent nécessiter des besoins d’investissements qui peuvent être conséquents et bloquer certains projets, comme pour la méthanisation.

Enfin, certains leviers, notamment les éco-aliments (substitution des sources d’azote des rations) ou les additifs alimentaires représentent des coûts supplémentaires qui doivent être couverts par des incitations financières directes pour être mis en œuvre

Article à lire en entier ici : 

Chapitres 

Des solutions complémentaires en cours de développement ou de déploiement : l’exemple de l’alimentation

Certaines réductions d’émissions dépendront des progrès dans les autres secteurs

Quel potentiel de réduction global à échéance 2050 ?

Le levier complémentaire du stockage

Une atteinte des objectifs qui nécessitera plusieurs conditions

Les accompagnements comme solution au changement ?

Une réduction des émissions qui se traduira par une augmentation de la part de l’agriculture dans les émissions françaises

 

 

Prisme n° 41 10/2023